le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli
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Voilà pourquoi tu vois souvent mon front baissé,<br />
Comme quelqu’un qui cherche où son âme a passé!<br />
confesse Lamartine, après la mort d’Elvire!<br />
Et si <strong>le</strong> hwadu m’invite, lui, à m’interroger sur mon véritab<strong>le</strong> visage, sur mon vrai moi (‘true I’, disent<br />
<strong>le</strong>s traductions anglaises à ma disposition), c’est qu’il admet et postu<strong>le</strong> que <strong>le</strong> visage que j’arbore et <strong>le</strong><br />
moi qui m’habite ‘hic et nunc’ sont l’un et l’autre illusoires, artificiels et non subsistants en euxmêmes.<br />
Bref: je serais un ectoplasme qui se p(r)end pour ce/qui il n’est/naît pas! Je confonds pi<strong>le</strong> et<br />
face, <strong>le</strong> personnage et moi-même ainsi que <strong>le</strong>s sentiments que j(e) (ap)prête et <strong>le</strong>s miens véritab<strong>le</strong>s.<br />
Peu importe <strong>le</strong> coté où je me trouve du miroir d’Alice, puisque, « m’y contemplant, et bien que<br />
distinguant clairement mes propres traits, je ne contemp<strong>le</strong> en fait qu’un pur ref<strong>le</strong>t! » ( Huang-po,<br />
Blofeld 1959 : 60).<br />
Le Maître vient de me demander un service: celui de lui corriger <strong>le</strong> texte comp<strong>le</strong>t du hwadu qu’il a<br />
reconstitué et dont il me ‘jetait quelques lambeaux à ronger’ en plus, hier soir, avec <strong>le</strong>s fruits! Sous ses<br />
airs naïfs, je <strong>le</strong> soupçonne de ‘jouer avec moi’. Voici <strong>le</strong> texte, et il arrive à point, comme toujours:<br />
When you have passed away,<br />
- after 100, 200 and 300 years,-<br />
when your f<strong>le</strong>sh and even bones have fully decayed,<br />
<strong>le</strong>aving behind not any trace of yours,<br />
then, what about you?<br />
Quand vous serez mort,<br />
- dans 100, 200 et 300 ans,-<br />
quand votre chair, vos os eux-mêmes auront complètement pourri<br />
et sans laisser la moindre trace,<br />
alors, que dire de vous?<br />
(Il m’a demandé aussi de lui traduire <strong>le</strong> mode de plantation en terre des coquelicots: oui, vous avez<br />
bien lu!) Ce qui <strong>nous</strong> donne maintenant l’intégra<strong>le</strong> du hwadu, reconstitué des différentes versions qu’il<br />
m’a ‘livrées’ bout à bout. Pour plus de commodité, je vais <strong>le</strong>s placer côte à côte:<br />
Quand vous ne pensez ni à bien, Quand vous serez mort<br />
Quand vous ne pensez ni à mal, - Dans 100, 200 et 300 ans,-<br />
A ce moment précis, Quand votre chair, vos os eux-mêmes<br />
Retournez à ce que vous étiez Auront complètement pourri<br />
Avant la naissance Et sans laisser de trace<br />
De votre père et de votre mère. Alors, que dire de vous?<br />
Que je sois invité à ‘retourner avant <strong>le</strong>s années vingt’ ou à ‘me propulser à la fin du 23 e sièc<strong>le</strong>’, me<br />
voilà contraint de me taire! Wei Ming serait parvenu à un “tacit understanding” (prise de conscience<br />
ineffab<strong>le</strong>, ineffab<strong>le</strong> savoir) quand Huei-neng lui a proposé la version 1. Mon maître me dit que <strong>le</strong><br />
Vénérab<strong>le</strong> Maître à qui son meil<strong>le</strong>ur élève avait posé la question version 2, aurait répondu en<br />
mandarin T’ang : “ Zhi zhege shi!”: “Rien qu’çà!”, ce qui est presque aussi si<strong>le</strong>ncieux que <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce<br />
lui-même (ou que <strong>le</strong> cri furtif du serpent du Petit Prince…)!<br />
Pour tordre <strong>le</strong> cou à la dualité, il faut donc interdire la paro<strong>le</strong>, <strong>le</strong> mot, <strong>le</strong> discours!<br />
Si <strong>le</strong>s mots, parfois, ont quelque effet,<br />
ce n’est que lorsqu’ils tombent<br />
dans <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s naïves des enfants.<br />
( Huang-po, Blofeld 1959 : 67).<br />
Et puisque<br />
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement<br />
Et <strong>le</strong>s mots pour <strong>le</strong> dire arrivent aisément,<br />
désapprenons Boi<strong>le</strong>au et son Art Poétique! Mais est-ce possib<strong>le</strong>?