28.06.2013 Views

le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

el<strong>le</strong> prête? - Quand la pluie cessera de tomber!). Sur <strong>le</strong> coup, j’étais tel<strong>le</strong>ment bluffé, que je n’ai pas<br />

réagi, accusant seu<strong>le</strong>ment la réception. Et puis, me disais-je, peut-être n’a-t-il pas compris ma<br />

question. En tout état de cause, j’ai ruminé sa réponse, car j’ai <strong>le</strong> sentiment que rien n’est gratuit dans<br />

la relation maître élève et que quelque part, comme on dit, ‘il me donne un os à ronger’. Quel rapport<br />

peut-il bien exister entre la météo et l’aménagement d’un local! Sinon, justement, un rapport de<br />

subtilité très ‘ koan-esque’ A ma question claire, il aurait pu donner une réponse claire, du genre:<br />

demain, dans trois jours, dimanche, ou tout simp<strong>le</strong>ment, je vous <strong>le</strong> ferai savoir. Mais lier ainsi un<br />

travail pratique, qui demande un certain temps, certes, mais se réalise sur ordre, avec <strong>le</strong>s précipitations<br />

atmosphériques, qui ne peuvent être que des prévisions, donc vouées à l’indétermination la plus<br />

globa<strong>le</strong>, tout cela re<strong>le</strong>vait, à mon avis, d’une première <strong>le</strong>çon de Zen coréen, du “kanhwa – hwadu”.<br />

Qu’avait donc <strong>le</strong> Maître en tête, quand il m’a répondu: “When the rain stops falling!” Si je ne suis pas<br />

en train de m’abuser en (me) racontant toute cette histoire, j’ai <strong>le</strong> sentiment, au premier abord, qu’il<br />

m’a très gentiment ‘envoyé promener’, en me signifiant par là, que mon impatience, comme cette<br />

pluie, serait <strong>le</strong> facteur <strong>le</strong> moins maîtrisab<strong>le</strong> de toutes mes implications pendant mon apprentissage. La<br />

cellu<strong>le</strong>, el<strong>le</strong>, serait prête quand el<strong>le</strong> serait prête, de même que je progresserai tout simp<strong>le</strong>ment… quand<br />

je progresserai! Que celui qui a des oreil<strong>le</strong>s pour entendre, qu’il entende!<br />

En ce début de Semaine Sainte, me reviennent aussi <strong>le</strong>s recommandations de Kusan à ses élèves,<br />

surtout cel<strong>le</strong> de développer en soi la trip<strong>le</strong> disposition d’esprit suivante : une grande colère, une grande<br />

bravoure et un grand doute (voir supra section Séoul), à propos respectivement de notre négligence<br />

quant aux enseignements de tous <strong>le</strong>s maîtres sur la Voie, du courage qu’il <strong>nous</strong> faudra toujours pour<br />

vaincre notre multip<strong>le</strong> attachement à la possession, la gloire, <strong>le</strong> sexe, la nourriture et <strong>le</strong> sommeil, et de<br />

notre hypothétique capacité à pratiquer <strong>le</strong>s préceptes. Cela convient très bien en cette fin de Carême:<br />

colère, toujours a posteriori, de me rendre compte combien j’’ignore’ l’Évangi<strong>le</strong> dans ma vie<br />

quotidienne, bravoure permanente à ressourcer sans cesse pour reconnaître, affronter ‘<strong>le</strong>s tentations’ et<br />

<strong>le</strong>ur résister, doute fondé sur ma capacité propre, sans la grâce, à vivre <strong>le</strong>s conseils évangéliques! La<br />

colère, la bravoure et <strong>le</strong> doute: un programme de retraite.<br />

J’ai passé ma vespéra<strong>le</strong> dehors. Derrière <strong>le</strong> hall de méditation du BIIBC, une étroite esplanade court<br />

autour du bâtiment, et, à l’ang<strong>le</strong> Nord-Est, <strong>le</strong> point de vue est particulièrement pittoresque. Au fond, la<br />

montagne du Chogye (Chogye San), dont la crête irrégulière épouse <strong>le</strong> tracé méandreux du thalweg et<br />

dont <strong>le</strong>s pentes abritent <strong>le</strong>s fameux pins déployés du Val de Songgwang (qui veut dire “Pin Déployé”),<br />

et au premier plan, la hou<strong>le</strong> figée des toitures en proue d’une trentaine de pagodes, de tail<strong>le</strong>s et de<br />

positions diverses, sur <strong>le</strong> plan en terrasses du monastère. Juste derrière la murette du BIIBC, un<br />

camélia, flanqué, en acolytes, d’un rhododendron et d’un cerisier, tous trois en f<strong>le</strong>urs…J’étais assis en<br />

face…J’avais rejoint ce poste, dès la fin des prestations tambourinaires d’une demi-douzaine de<br />

moines (en compétition manifeste, ce soir), exactement au moment où vibra <strong>le</strong> premier glas de la<br />

grosse cloche, qui lance <strong>le</strong> culte dans <strong>le</strong> grand hall. Le ciel était b<strong>le</strong>u cendré, mais encore haut; <strong>le</strong>s<br />

fumées noirâtres qui s’échappaient en rubans de quelque cheminée cachée allaient s’enrou<strong>le</strong>r<br />

langoureusement autour de lambeaux de brume grise qui s’accrochaient aux arbres des premières<br />

pentes. C’est alors que caqueta soudain une ca<strong>le</strong>basse dans la pagode qui jouxte <strong>le</strong> BIIBC, à moins de<br />

dix mètres de ma position. La pagode était toute illuminée de l’intérieur; on distinguait <strong>le</strong>s bougies<br />

nombreuses dont <strong>le</strong>s flammes intenses vacillaient, à travers <strong>le</strong>s claies de papier. Et à la même seconde<br />

démarrèrent, dans <strong>le</strong> grand hall, <strong>le</strong>s rudes chœurs des cohortes monastiques, et dans la pagode,<br />

rythmée par la crécel<strong>le</strong> têtue, la frê<strong>le</strong> mélopée chevrotante de l’ermite de service. Les clameurs<br />

retentissantes du grand hall, servant de fond au solo monastique, se répercutaient en écho de pagode en<br />

pagode, tandis que, mêlant de concert <strong>le</strong>urs lourds parfums à la brise vaporeuse de la nuit tombante,<br />

camélia, rhododendron et cerisier parachevaient la synesthésique performance de cette voluptueuse<br />

soirée de printemps mouillé…Le maître m’a dit d’ouvrir et d’écouter mon cœur…Était-ce mon cœur,<br />

étaient-ce tous mes sens, était-ce ma fibre romantique, je ne sais! Mais quel bonheur de l’instant!<br />

Quel<strong>le</strong> plénitude, à ce moment du temps, en ce lieu de l’espace! Je n’ai pas voulu attendre la fin des<br />

services, dans <strong>le</strong> hall et la pagode; je m’en suis revenu dans ma cellu<strong>le</strong>. Et c’est p<strong>le</strong>in de<br />

reconnaissance que j’ai célébré, à mon tour, l’eucharistie du Lundi Saint.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!