le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli
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Cette face de l’Esprit ne serait autre que <strong>le</strong> Bouddha, ou mieux: <strong>le</strong> Bouddha ne serait autre que cette<br />
face de l’Esprit. Et ‘y penser sans utiliser de concepts’ constituerait la Voie (penser sans penser): en<br />
n’autorisant (?) pas la montée de termes comme existence et non existence, long et court, autre et<br />
même, actif et passif; etc.…je devrais parvenir à ‘trouver’ que mon Esprit/visage/moi est<br />
intrinsèquement <strong>le</strong> Bouddha, que <strong>le</strong> Bouddha est intrinsèquement Esprit et que l’Esprit est quelque<br />
chose d’intangib<strong>le</strong>, comme <strong>le</strong> vide peut l’être. Chercher autre chose n’apporterait que peine. Il faudrait<br />
‘seu<strong>le</strong>ment’ parvenir à la nature de mon propre esprit, où il n’y a ni même ni autre, pour être moimême<br />
UN Bouddha!<br />
Bodhidharma n’aurait enseigné qu’une abstraction tota<strong>le</strong> conduisant à l’élimination de la perception<br />
sensitive: c’est ici la Voie des Bouddhas. En effet, si l’Esprit est <strong>le</strong> Bouddha, la Voie idéa<strong>le</strong> de<br />
réalisation ne peut consister qu’à cultiver cet Esprit Bouddha. Ceci est dur à entendre! L’Esprit est <strong>le</strong><br />
seul Bouddha, et <strong>le</strong>s corps et esprit individuels ne sont rien! Bodhidharma croyait fermement qu’il ne<br />
faisait qu’un avec la substance réel<strong>le</strong> de l’univers en cette vie: ici, Esprit et Substance sont égaux, la<br />
Substance est Esprit. La Réalité Ultime, c’est <strong>le</strong> moment où se réalise l’Unité de l’Esprit et de la<br />
Substance.<br />
Il vaudrait mieux donc considérer ‘Tout’ ce que j’ai appris jusqu’ici, tout au plus comme une couche<br />
prête à me recevoir quand je suis malade ou fatigué! (Judicieux conseil de Huang-po, toujours!).<br />
Le vide intangib<strong>le</strong> qui s’étend dans toutes <strong>le</strong>s directions ne constitue qu’une seu<strong>le</strong> substance avec<br />
l’Esprit: et comme l’Esprit est fondamenta<strong>le</strong>ment indifférencié, tout <strong>le</strong> reste l’est aussi. Si je perçois<br />
des différences, el<strong>le</strong>s sont comme « <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs des délicieuses friandises que dégustent <strong>le</strong>s "Dévas",<br />
qui varient, dit-on, en fonction des mérites personnels des "Dévas" qui <strong>le</strong>s mangent! » (toujours<br />
Huang-po, Blofeld 1959 : 72). Passer la porte zen, c’est devoir traiter de toute chose seu<strong>le</strong>ment par<br />
l’’Intel<strong>le</strong>ct’: attention, ce mot traduit <strong>le</strong> sanskrit manas, la faculté la plus pointue de l’esprit humain,<br />
par laquel<strong>le</strong> un être s’élève de la pensée conceptuel<strong>le</strong> à la connaissance intuitive...<br />
Je crois qu’avec cette ‘connaissance intuitive’, je viens de toucher <strong>le</strong> cœur même de la démarche<br />
zen/sôn. Jamais la notion de manas ne m’avait apparu aussi limpidement, jamais non plus la tâche plus<br />
ardue! Il aura fallu tous <strong>le</strong>s cul-de-sac du hwadu, - enfin de ceux que j’ai empruntés jusqu’ici, - pour<br />
me rendre à une certaine évidence. Il fallait al<strong>le</strong>r jusqu’au bout du possib<strong>le</strong>, en amont et en aval du<br />
temps, pour admettre qu’il n’y a pas plus de vrai ‘Visage, Moi ou Esprit‘ à chercher ni à trouver que<br />
de ‘Chercheur en quête’. L’illusion est tota<strong>le</strong>, ainsi que <strong>le</strong>s mots pour <strong>le</strong> dire. Mais ce si<strong>le</strong>nce n’est-il<br />
pas terrib<strong>le</strong>, cette absence troublante, cette ultime réalité el<strong>le</strong>-même contestab<strong>le</strong>? En classe de seconde,<br />
un passage du “Jardin des Oliviers” d’Alfred de Vigny avait terrifié tout en l’enthousiasmant <strong>le</strong> lycéen<br />
qui dévorait Rimbaud <strong>le</strong> révolté: voici ces a<strong>le</strong>xandrins où Alfred, déjà atteint par la schizophrénie<br />
psychasthénique qui <strong>le</strong> fera bientôt bascu<strong>le</strong>r dans la folie, crie contre l’abandon de Jésus:<br />
S’il est vrai qu’au Jardin des Saintes Écritures<br />
Le Fils de l’Homme ait dit ce qu’on voit rapporté;<br />
Muet, aveug<strong>le</strong> et sourd au cri des créatures,<br />
Si <strong>le</strong> Ciel <strong>nous</strong> laissa comme un monde avorté,<br />
Le Juste opposera <strong>le</strong> dédain à l’absence<br />
Et ne répondra plus que par un froid si<strong>le</strong>nce<br />
Au si<strong>le</strong>nce éternel de la Divinité!<br />
Ce soir, j’ai un peu perdu pied. Il faudrait que j’intensifie mon si<strong>le</strong>nce intérieur et ma concentration<br />
sur <strong>le</strong> hwadu. Manas, manas, manas!