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le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

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même si vous ne voyez aucune différence (entre avant et après),<br />

quel<strong>le</strong> confusion de penser que rien n’a changé!<br />

Ce n’est donc pas parce que rien n’a changé, que rien n’a changé! Nous ne constaterons jamais que<br />

quoi que soit a changé: ne rien voir n’est pas plus une preuve que voir. Quelque chose doit<br />

nécessairement changer, mais <strong>nous</strong> ne saurons jamais quoi. Le zen n’a pas de fin, c’est une<br />

‘Unendliche Geschichte’, une “Histoire sans fin” (Michaël Ende).<br />

“Devine si tu peux et choisis si tu l’oses!”, çà, c’est Racine! Jean Racine.<br />

KAM RO AM 11 MAI 1998.<br />

La pluie et <strong>le</strong> vent ont battu toute la nuit: je crois qu’aujourd’hui, ils continueront encore de plus bel<strong>le</strong>.<br />

Je viens de balayer la ga<strong>le</strong>rie, des écail<strong>le</strong>s de peinture que <strong>le</strong>s secousses ont détachées des<br />

encadrements. Avec mon bonnet marin, mon plaid écossais sur <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s, ma barbe et mes cheveux<br />

de cinq mois (mon dernier barbier date du 7 décembre dernier, à Katmandu: j’avais tout laissé pousser<br />

pour jouer <strong>le</strong>s dignes Santa Klaus/Nikolaus, à la garden party de Noël de l’Ambassade d’Al<strong>le</strong>magne,<br />

la veil<strong>le</strong>), je ressemb<strong>le</strong> à ces vieux gardiens de phare bretons, qui ont décidé de terminer <strong>le</strong>urs jours,<br />

face à cette mer qu’ils ne peuvent plus prendre, mais qui <strong>le</strong>s a pris, el<strong>le</strong>, une fois pour toutes! Ils ne la<br />

voient d’ail<strong>le</strong>urs plus, - surtout si <strong>le</strong> phare se dresse sur un îlot avancé, comme à la Pointe du Raz ou à<br />

Ouessant, - ils sont au milieu d’el<strong>le</strong>, en el<strong>le</strong>, tota<strong>le</strong>ment “é-pris” d’el<strong>le</strong>. Ils sont devenus “LA MER”.<br />

Enfants, ils n’ont connu qu’el<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>ur total environnement; ado<strong>le</strong>scents, ils ont rêvé de partir sur<br />

el<strong>le</strong>, pour <strong>le</strong> long cours, la pêche ou la “Roya<strong>le</strong>”; adultes, ils l’ont épousée, parce que « Homme libre,<br />

toujours tu chériras la mer » (Baudelaire).<br />

Et maintenant, ils l’ont enfin découverte en eux, et se rendent compte que depuis toujours el<strong>le</strong> était là,<br />

à <strong>le</strong>s attendre, ‘cette grande amoureuse’, sachant qu’un jour ils la reconnaîtraient, étant déjà tout à el<strong>le</strong>!<br />

Ce doit être quelque chose comme çà, l’Éveil. On vit avec, sans <strong>le</strong> savoir, sachant seu<strong>le</strong>ment qu’on ne<br />

peut pas vivre autrement que l’on vit, et que l’on vit ainsi naturel<strong>le</strong>ment. Et puis, au moment même où<br />

l’on s’aperçoit qu’effectivement on vivait toujours comme çà jusqu’à cet instant, on trouve cela<br />

tel<strong>le</strong>ment ‘normal’, qu’on ne doit pas avoir besoin d’y faire plus attention que çà. Pendant<br />

l’interrogatoire inquisitionnel au cours de son procès, l’évêque Cauchon pose à Jeanne la Pucel<strong>le</strong> cette<br />

inso<strong>le</strong>nte et impudente question: “Jeanne, es-tu en état d’amitié avec ton Dieu?”. Qui pourra jamais<br />

répondre à une tel<strong>le</strong> question! C’est ‘Dieu-en-el<strong>le</strong>’ (Emmanu-El) qui certainement répond par sa<br />

bouche (ce qui fera clore cel<strong>le</strong> de Cauchon!): « Si j’y suis, qu’il m’y garde; si je n’y suis, qu’il m’y<br />

mette! ». Jeanne ne se prononce pas, ne nomme pas, ‘reste en l’état’: el<strong>le</strong> continue simp<strong>le</strong>ment d’être<br />

ce qu’el<strong>le</strong> est : 'Dieu en el<strong>le</strong> et el<strong>le</strong> en Dieu’!<br />

Le vent a fini par tomber. La pluie persiste J’ai eu tel<strong>le</strong>ment froid (la chaudière est en panne, et tout <strong>le</strong><br />

bâtiment est glacé) que j’ai dû m’emmitouf<strong>le</strong>r dans une couverture pour méditer, et garder des<br />

pantouf<strong>le</strong>s dans ma cellu<strong>le</strong>. Brume, nuages: l’ermitage était dans <strong>le</strong> vague, comme moi, qui vraiment<br />

erre dans ma tête et dans mon corps, ne sachant ce qu’il faut ni ce qu’il ne faut pas vouloir! Dans la<br />

ga<strong>le</strong>rie, sous ma couverture et mon plaid, <strong>le</strong> bonnet sur <strong>le</strong>s oreil<strong>le</strong>s, devant <strong>le</strong>s cimes du Chogye tantôt<br />

émergeant, tantôt immergées au sein d’une mer mouvante et grisâtre, je me suis un instant<br />

assoupi…M’ont enchanté alors <strong>le</strong>s images de ‘La Montagne Magique, Der Zauberberg’, de Thomas<br />

Mann, puis cel<strong>le</strong>s de ‘Die Kälte, Le Froid’, de Thomas Bernhardt: <strong>le</strong> sanatorium, <strong>le</strong>s balcons, <strong>le</strong>s héros<br />

dont <strong>le</strong>s poumons s’en vont avec <strong>le</strong>urs jeunes années, l’endroit devenu sacré, et par ce qui s’y passe et<br />

parce que cela se passe là, à la limite du ciel noir et d’une terre dont la neige s’obscurcit, malgré la<br />

beauté glacée de la nature et <strong>le</strong>ur jeunesse qui tousse, <strong>le</strong>ur enfance encore, et qui sera aussi <strong>le</strong>ur dernier<br />

âge! La montagne, <strong>le</strong> froid, <strong>le</strong> sacré et <strong>le</strong> magique: dans ma solitude volontaire, je n’ai jamais été aussi<br />

entouré de ce dont il faudrait que je me dé<strong>le</strong>ste pour ‘faire zen’ : ma mémoire et ma culture. Tout me<br />

rappel<strong>le</strong>, me renvoie, me transpose. Il n’est pas une image, pas une sensation, un bruit, un parfum, pas<br />

un eff<strong>le</strong>urement qui ne me connecte aussitôt et superbement avec des constellations de constellations<br />

chimico-sensitives, toutes plus magnifiques <strong>le</strong>s unes que <strong>le</strong>s autres!<br />

J’ai plus de souvenirs que si j’avais mil<strong>le</strong> ans! (Baudelaire)

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