28.06.2013 Views

le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

le sourire immobile pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

- Ma-tsu : Vous polissez une tui<strong>le</strong>?<br />

- Huai-Jang : Oui, je veux en faire un miroir!<br />

- Ma-tsu : Mais comment vou<strong>le</strong>z-vous faire un miroir d’une tui<strong>le</strong>, même en la polissant?<br />

- Huai-Jang : Si on ne peut faire d’une tui<strong>le</strong> un miroir, même en la polissant, comment penses-tu, toi, accomplir<br />

la nature de Bouddha, en restant assis à méditer?<br />

- Ma-tsu : Qu’est-ce que çà veut dire?<br />

- Huai-Jang : Quand une paire de bœufs tire une charrette, et que la charrette n’avance pas, sur qui faut-il donner<br />

du fouet, sur <strong>le</strong>s bœufs ou sur la charrette?<br />

A cet instant, Ma-tsu reçut l’Éveil”.<br />

Uniquement alors j’ai compris que je suis ce fou qui court après l’écho de ses propres cris et cet<br />

ingénu qui polit des tui<strong>le</strong>s pour en faire des miroirs! Je suis toujours p<strong>le</strong>in de ma propre rumeur et je<br />

frappe comme un sourd sur ma charrette pour la faire avancer!<br />

J’étais tel<strong>le</strong>ment heureux de découvrir mon masque que j’en suis resté assis (moi aussi) plus d’une<br />

heure, comme abasourdi et illuminé. Puis, la tête vide et <strong>le</strong> cœur léger, je me suis fait infuser du thé<br />

que j’ai bu à <strong>le</strong>ntes gorgées, <strong>le</strong>s yeux perdus dans un passé très proche et un futur très immédiat. Je me<br />

suis habillé et ai pris <strong>le</strong> chemin du monastère. Deux fois, je m’arrêtai: un coup<strong>le</strong> d’al<strong>le</strong>mands, dont <strong>le</strong><br />

mari me reconnut pour avoir lu un livre que j’ai publié en Al<strong>le</strong>magne, il y a pourtant vingt ans déjà, et<br />

successivement, un moine Chogye, italien, venu pour la retraite d’été qui commence ce soir, et qui<br />

s’est déclaré ancien élève des Salésiens de Padoue quand je me suis présenté, puis un autre moine<br />

Chogye, Birman celui-là, venu pour la retraite lui aussi, près de la cabine. Je réussis à avoir Nice au<br />

téléphone, rencontrai Massif Central accompagné d’une jeune coréano-américaine, et remontai à<br />

l’ermitage. Je m’assis à nouveau à mon endroit habituel et jusqu’à mon eucharistie, méditai sur ‘rien’ :<br />

tout, <strong>le</strong> monde, ma vie, ma mort, dans un défi<strong>le</strong>ment de ‘choses’ d’autant plus insignifiant qu’il était<br />

continu. J’ai fait une diarrhée menta<strong>le</strong>. Il <strong>le</strong> fallait… Je me sens mieux comme après un clystère…<br />

Je vais de ce pas dans <strong>le</strong> hall de méditation pour la vespéra<strong>le</strong>. Puis je me coucherai.<br />

KAM RO AM, 10 MAI 1998.<br />

A l’aube,<br />

‘Oh, <strong>le</strong> chant de la pluie, par terre et sur <strong>le</strong>s toits’ (Verlaine)<br />

m’a confirmé (comme à la Confirmation après <strong>le</strong> Baptême) que j’ai fait un pas, passé une porte, gravi<br />

un degré; ou encore, que j’ai abandonné ‘quelque chose’, lâché du <strong>le</strong>st, posé des bagages<br />

(‘impedimenta’, en latin = ‘choses qui se mettent en travers des pieds et <strong>le</strong>s empêchent d’avancer’;<br />

l’al<strong>le</strong>mand utilise <strong>le</strong> mot français ‘Bagage’ pour indiquer ‘ce qui embarrasse inuti<strong>le</strong>ment’!). Un<br />

sentiment d’arriver au virage de la dernière ligne droite et d’amorcer <strong>le</strong> sprint final. En même temps,<br />

un bien-être étrange, la conviction irraisonnée que ‘tout est comme çà et bien comme çà’: la pluie qui<br />

tombe est bien la pluie qui tombe, ma <strong>le</strong>ssive ridicu<strong>le</strong>ment étendue hier soir là devant moi n’a jamais<br />

été plus à l’eau que jamais, <strong>le</strong> ciel bouché est bien <strong>le</strong> ciel bouché! Je respire à l’unisson avec la<br />

vingtaine de moines, - me rapportait <strong>le</strong> Padouan hier après-midi, - qui sont entrés en ‘kyölche’<br />

(retraite) d’été (!) dans <strong>le</strong> fameux hall de méditation de la ‘cité interdite’ du monastère. ‘Le fou qui<br />

court après l’écho de ses cris’, ‘l’ingénu qui veut muer <strong>le</strong>s tui<strong>le</strong>s en miroirs’, ‘l’insensé qui fouette la<br />

charrette pour la faire avancer’ m’ont transféré dans une constellation de métaphores où<br />

j’’appréhende intuitivement’ des choses: je ne sais ni ne veux, si je <strong>le</strong> savais, dire quoi. Alors je vais<br />

‘métaphorer’!<br />

Caméléon subtil, j’endosse la cou<strong>le</strong>ur<br />

de ce temps qui n’est pas du temps, et de cet espace qui n’est pas de l’espace;<br />

aveug<strong>le</strong> ébloui, je vois qu’il n’y a rien à voir,<br />

je progresse immobi<strong>le</strong> vers où je renonce à me rendre.<br />

Le froid dans mes jambes réchauffe tout mon corps<br />

et mes mots p<strong>le</strong>ins d’images sonnent des notes creuses.<br />

Les sourcils du lion des cimes ne sont que l’arc-en-ciel du printemps ombrageux<br />

et la moustache du dragon des gorges amuse <strong>le</strong>s saumons facétieux.<br />

Je vais me taire<br />

et laisser là mes tui<strong>le</strong>s:<br />

peut-être convaincrai-je mes bœufs de tirer ma charrette!

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!