Homályzónák Zones d' Ombre - MEK - Országos Széchényi Könyvtár

L’expulsion des Juifs de Vienne (1670)Pourtant lors de son avènement, l’empereur Léopold 1 er avait confirmé les privilègesaccordés par Ferdinand II et renouvelés par Ferdinand III 17 . Ce n’est qu’une dizaine d’annéesplus tard que l’empereur, les circonstances aidant, remit en cause l’existence mêmede la communauté et de son ghetto. Comme pour sa politique antiprotestante en Hongrie,il attendit que ses adversaires lui fournissent l’occasion d’intervenir avec toutes lesapparences de la légalité. Mais surtout il attendit que la conjoncture internationale luipermit de mener à bien ce qu’il considérait comme l’œuvre capitale de son règne : l’unificationreligieuse par le catholicisme. Personnellement l’empereur ne manifestait aucunsentiment d’hostilité à l’égard des Juifs, dont la culture l’intéressait : il avait manifesté en1660 l’intention d’apprendre l’hébreu, étude dont l’avaient détournée, non sans mal, sesconseillers. Mais il s’agissait d’une simple curiosité intellectuelle ; si ses sujets de confessionisraélite s’étaient convertis au catholicisme, il aurait bien volontiers rapporté les mesuresd’exception. Il ignorait aussi bien la tolérance telle qu’elle a été définie au XVIII esiècle que le racisme brutal du XX e siècle. Le compromis n’en était pas moins impossible,car tous les observateurs étrangers ont noté l’attachement des juifs viennois à la foi ancestraleet aucun ne se serait converti pour demeurer à Vienne. Or à partir de 1668l’empereur pouvait légitimement espérer la paix en Europe occidentale, puisqu’il venaitde signer un arrangement avec la France, lui garantissant une partie de l’éventuelle successiond’Espagne 18 ; réconcilié avec Louis XIV, il menait avec la Porte une politique depaix à tout prix. Il profita d’une conjoncture aussi favorable pour licencier une bonnepartie de son armée et pour assainir ses finances, en réduisant dépenses civiles et militaires.Il n’avait donc momentanément plus besoin de l’aide financière de qui que ce fût etpouvait faire bon marché des concessions accordées par son grand-père.La conjoncture était d’autant plus défavorable pour les habitants du ghetto que l’empereurétait soumis aux pressions du parti espagnol de la Cour, tandis que certains de sesministres ne cachaient pas leurs sentiments antisémites. Parmi ces derniers il faut rangerle chancelier d’Autriche, le baron Jean-Paul Hocher et le Cardinal Léopold Kollonich 19 .D’origine alsacienne le chancelier Hocher a les réactions d’un bourgeois allemand quiredoute l’habileté des négociants juifs 20 . Kollonich était un aristocrate d’origine croate,17Avec un certain retard, puisque la confirmation ne date que de 1664. Vienne, Allgemeines Verwaltungs Archiv, Österreichische Hofkanzlei,Archivprotokoll 506/7.18Jean Berenger, « Une tentative de rapprochement entre la France et l’Empereur : le traité de partage secret de la succession d’Espagne du 19 janvier1668 », Revue d’Histoire Diplomatique, 1965, pp. 291-314.19Tous deux membres de la commission d’enquête constituée par l’empereur en 1669, ils ont poussé au bannissement. Dépêche du résidentbrandebourgeois Neumann du 19 février 1670, citée par David Kaufmann, Die letzte Vertreibung…, op. cit., p. 126.20C’est ainsi qu’il voulait faire arrêter Samuel Oppenheimer en 1682 et il fallut toute l’autorité du margrave de Bade, président du Conseil de la Guerrepour sauver celui qui était un important fournisseur des armées impériales. Max Grunwald, Samuel Oppenheimer und sein Kreis, 1 vol., Vienne, 1907,p. 42.Le destin des Juifs viennois : du Baroque aux Lumières (1620-1790)21