Homályzónák Zones d' Ombre - MEK - Országos Széchényi Könyvtár

ses nues et même la mort de Santschin le clown qu’il n’a pas connu 19 . Zwonimir n’est passeulement l’alter ego de Mr Bloomfield, il est aussi le contraire de Xavier Zlotogor, lemagnétiseur qui vit au troisième étage du Savoy, cet homme qui a beaucoup voyagé,« qui connaît l’ouest de l’Europe et l’Inde 20 . » Zlotogor connaît tout, mais il n’est rien.« Xavier Zlotogor se transforme si rapidement, à court intervalle, qu’il me devient antipathique21 », maugrée Dan (toujours cette crainte obsessionnelle de se perdre par dispersiondu moi). Quant à Zwonimir, au contraire, il ne connaît rien, mais il est tout. Un toutentier et compact malgré son incohérence apparente. Ce paysan des Balkans s’écrità tout propos : « l’Amérique ! ». Il a un peu d’argent, mais va manger à la soupe populaire.Tout cela pour quelle synthèse ? La révolution (celle qui réunira l’Orient et l’Occident,est-on tenté de penser). Mais Zwonimir – mauvais présage – va disparaître avant la findu livre. À proprement parler : il va disparaître dans la cohue, malgré sa taille gigantesque.Pourtant, Zwonimir avait des pouvoirs magiques : en lui trouvant un travail de débardeurde houblon à la gare, il avait rendu meilleure l’âme de Gabriel Dan 22 .Ils sont nombreux, les dieux, ou les démiurges, capables d’agir sur le destin des autres.Mr Bloomfield répand ses bienfaits. Zwonimir promet le bonheur. Et le liftier, Ignace, procureun sursit avant l’expulsion, mais au prix fort – l’ange est équivoque. D’ailleurs, Ignaceest aussi messager. Avec Hirsch, c’est lui qui répand la nouvelle de la prochaine arrivée deBloomfield. Hirsch, rappelons-nous, est un homme d’affaires déchu. Ignace n’est-il pas unange déchu ? À la dernière page, on apprend enfin la vérité. La foule des campementstransitoires en colère va bientôt prendre la ville d’assaut, elle a commencé par mettre lefeu à l’Hôtel Savoy. Gabriel Dan a juste le temps de prendre le train, peut-être le derniertrain en direction de l’Occident. Mais avant de partir, devant l’hôtel en feu, il a appris lavérité : Ignace et Kalegouropoulos ne font qu’un. Kalegouropoulos, c’est le propriétairede l’hôtel, un autre Godot que l’on ne cessait d’attendre, qui s’annonçait régulièrementsans jamais se montrer, mais laissait toujours derrière lui des instructions lors de la visited’inspection des étages supérieurs, des avertissements qui terrorisaient les habitantsécrasés par les chaînes cadenassées d’Ignace. Kalegouropoulos, le tout-puissant Kalegouropoulosétait donc son propre employé sous la forme du vieux liftier, son propremessager aussi, son propre espion, toujours là où on ne l’attendait pas – ou plutôt là oùon l’attendait (lors de l’agonie du clown Santschin, Ignace « était dans le corridor, commesi cela allait de soi, comme si c’était sa place habituelle, là et nulle part ailleurs dans lemonde 23 . »). Un dieu caché omniprésent. Mais il va mourir. Déjà, il s’était incliné devant lespuissances d’argent (Bloomfield), bientôt, c’est la foule qui va le terrasser. Le feu est19Op. cit., p. 11620Op. cit., p. 7121Op. cit., p. 7222Op. cit., p. 11123Op. cit., p. 68228 Henri de Mo n t e t y