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Homályzónák Zones d' Ombre - MEK - Országos Széchényi Könyvtár

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humeur : dès lors, le portier, si poli la veille, cesse de le saluer 6 . Dan n’est plus le même. Etle regard du portier sur lui a changé. Et le monde a changé ; l’hôtel Savoy non plus n’estplus le même. La veille, le héro n’avait d’yeux que pour ses sept étages et son portier aublason doré, son eau et son savon, ses water-closets, et ses lampes électriques « quis’épanouissent dans des abat-jours roses et verts comme dans un calice » ; et ses « sonnettesstridentes qui répondent à la simple pression du pouce », etc 7 … En un mot, c’était« le plus européen » des établissements de l’Est 8 . Européen, c’est-à-dire occidental. Occidentaux multiples facettes, tantôt séduisantes, tantôt hideuses (diaboliques). Déjà ébranlépar la versatilité du portier, Gabriel Dan découvre bientôt un nouvel aspect de l’hôtelSavoy : le « système breveté » du garçon d’ascenseur, le vieil Ignace « aux yeux couleurde bière », qui propose de payer la note mensuelle des habitants impécunieux tout enprenant en gages leurs malles après les avoir fermées de chaînes cadenassées. Dès lors,pense le héro, « « l’hôtel ne me plaisait plus : ni la buanderie qui asphyxiait les gens, ni leliftier avec sa bienveillance cruelle, ni les trois étages de prisonniers. Cet Hôtel Savoy étaità l’image du monde : il rayonnait à l’extérieur d’un éclat intense, étincelait dans la splendeurde ses sept étages, mais la pauvreté y habitait dans la proximité de Dieu ; ce qui étaiten haut occupait le bas de l’échelle, emmuré dans des tombeaux entre ciel et terre, et lestombeaux s’amoncelaient au-dessus des chambres confortables de tous ceux qui, repus,se prélassaient en bas, dans la paix et le bien-être, le cœur léger, sans être gênés par cescercueils aux minces cloisons 9 . »Mais où aller ? L’Hôtel Savoy n’est-il pas déjà l’Occident ? Un succédané de l’Occident.Comme, peut-être, ces succédanés de lui-même que Gabriel Dan prend pour son identité.Le héros continue donc à observer et à s’observer. Il reste à l’hôtel Savoy. Il y a aussimademoiselle Stasie qui le retient, elle loge au sixième étage, juste au-dessus de lui ; maisce n’est pas aussi simple, car elle voudrait aller à Paris (« Un imbécile voulait m’emmenerà Paris – dit-elle – et depuis, je pense à m’y rendre 10 . »)Quoi qu’il en soit, pour le lecteur, le problème social a brusquement surgi : la stratificationde la société et l’injustice qui lui est indissociable. Bientôt, ce sera la révolution. Car« ils arrivaient de Russie, ils apportaient le souffle de la révolution, on aurait dit que larévolution les avait vomis vers l’Ouest 11 . » Jusqu’alors, les habitants des trois étages supérieursrestaient dociles ; au pire, ils se laissaient mourir, comme Santschin le clown. « C’étaitun malheur qui retenait chacun d’eux ici. Chacun voyait dans l’hôtel Savoy le malheur etne savait plus bien distinguer l’un de l’autre. L’infortune les atteignait toujours dans cet6Op. cit., p. 207Op. cit., p. 88Op. cit., p. 89Op. cit., p. 4610Op. cit., p. 3211Op. cit., p. 115Hğtel Savoy de Joseph Roth225

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