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Capitaine Fantôme<br />
— Avez-vous entendu parler <strong>des</strong> îles volantes ? répéta Massalia.<br />
Peggy Sue et ses amis ignoraient tout <strong>des</strong> fameuses « îles volantes ». Ils posèrent aussitôt mille<br />
questions, mais Massalia se fit mystérieux, ne voulant rien leur révéler par avance. Il fallait qu’ils se<br />
rendent compte par eux-mêmes, prétendait-il.<br />
— C’est notre seule chance de détruire la Bête, répétait-il. J’ai <strong>des</strong> contacts avec les gens qui<br />
s’occupent de ça. Des hors-la-loi. Des pirates… Je leur ai demandé de passer nous prendre demain. À<br />
mon avis, s’il existe une solution, c’est là-bas que nous la trouverons.<br />
*<br />
Comme il l’avait annoncé, un véhicule rébarbatif (qui tenait le milieu entre le char d’assaut et le bus<br />
scolaire) s’arrêta le lendemain matin devant le fortin. Personne n’en <strong>des</strong>cendit et c’est tout juste si l’une<br />
<strong>des</strong> portières s’entrebâilla pour permettre aux voyageurs de monter.<br />
Peggy Sue et Sébastian firent le voyage les yeux bandés, tassés à l’arrière du camion militaire dont<br />
les chenillettes brassaient la boue. Au moment d’entrer dans le fourgon, Peggy Sue avait entraperçu les<br />
silhouettes de trois hommes vêtus comme <strong>des</strong> pirates : foulard écarlate noué sur le crâne, cartouchières<br />
s’entrecroisant sur la poitrine. Dans la pénombre, elle avait noté le scintillement <strong>des</strong> métaux guerriers :<br />
cuivre <strong>des</strong> douilles, lames <strong>des</strong> sabres.<br />
Ensuite, il avait fallu subir les cahots du véhicule et le silence pesant <strong>des</strong> hors-la-loi. Après plusieurs<br />
heures de route on avait estimé que les passagers étaient désormais incapables de s’orienter, aussi les<br />
avait-on délivrés du bandeau. Peggy avait cligné <strong>des</strong> paupières, éblouie.<br />
Le fourgon roulait au milieu du paysage dévasté d’une ancienne usine à gaz dont la plupart <strong>des</strong> cuves<br />
avaient explosé. Les installations, à moitié éclatées, avaient pris un étrange aspect mi-solide mi-liquide<br />
rappelant celui d’une tablette de chocolat oubliée en plein soleil.<br />
Peggy Sue nota que trois réservoirs étaient encore intacts. Après avoir traversé les ruines, le camion<br />
s’engagea dans un campement loqueteux. Des drapeaux flottaient à la pointe de grands mâts.<br />
« Nous voilà chez les pirates ! murmura télépathiquement le chien bleu. Mais où sont les galions<br />
chargés d’or ? »<br />
Les ruelles de l’agglomération étaient pleines d’hommes barbus, armés jusqu’aux dents.<br />
« L’île de la Tortue [21] … », pensa la jeune fille.<br />
Des souvenirs de lecture lui emplirent soudain la tête.<br />
Le campement évoquait pour elle le repaire interdit de quelque flibuste avec sa population farouche<br />
d’éclopés portant bicorne à tête de mort, pistolets à la ceinture et perroquet sur l’épaule. Mais, à la<br />
différence <strong>des</strong> écumeurs de mer, les hommes qui déambulaient dans les travées du bidonville avaient la<br />
peau bleuâtre, les yeux rougis par les exhalaisons toxiques. Les cuves fuyaient ! Ces émanations planaient<br />
sur le campement, corrodant jour après jour les poumons <strong>des</strong> « pirates » en attente d’embarquement.