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elais de Sébastian désormais trop occupé à rire – achevaient d’assembler les débris du ballon.<br />
— Comment se présente la chose ? s’enquit-elle.<br />
— Pas trop mal, chuchota Alzir. L’enveloppe est réparable. Il suffira de couler de la sève d’hévéa sur<br />
la déchirure pour la colmater. Il y a bien assez de béthanon pour soulever deux cents éléphants. Nous<br />
sommes en train de rafistoler la nacelle.<br />
— Et… la bombe ? demanda le chien bleu.<br />
— Je l’ai examinée, fit Alzir en hochant la tête. Elle est d’un type spécial. Il ne s’agit pas d’un<br />
explosif classique qui fait « boum » et met tout en pièces. Une telle machine infernale ne causerait aucun<br />
mal à la Bête qui absorberait le souffle de l’explosion, et s’en nourrirait. Cela ne lui ferait pas plus<br />
d’effet qu’un pétard explosant sous les fesses d’un dinosaure. Non, l’engin dont on vous a équipés est<br />
d’une autre sorte. Il se compose de trois gaz contenus dans <strong>des</strong> bonbonnes. Un mouvement d’horlogerie<br />
les mélange à une heure déterminée, selon <strong>des</strong> proportions complexes, de manière à constituer un poison<br />
qui tuera la Dévoreuse… mais aussi tous ceux qui habitent à l’intérieur de l’œuf : les sosies et les<br />
humains…<br />
— Massalia ne savait pas qu’il y aurait <strong>des</strong> enfants, observa le chien bleu.<br />
— De toute façon, cette bombe est une aberration, murmura Alzir. Si l’on tue la Dévoreuse, Kandarta<br />
cessera aussitôt d’être habitable. <strong>La</strong> pesanteur disparaîtra, ainsi que l’atmosphère respirable. L’œuf se<br />
changera en caillou stérile dérivant dans l’espace. À l’instant même où la bête <strong>des</strong> <strong>souterra</strong>ins rendra le<br />
dernier soupir, tous les humains qui habitent à la surface de la coquille mourront étouffés, et leurs<br />
cadavres se mettront à flotter dans les airs.<br />
— Ranuck avait donc raison, siffla Peggy. On ne peut pas tuer la Bête sans causer la <strong>des</strong>truction de<br />
Kandarta.<br />
— Je suis désolé, s’excusa le jeune monstre. Toutefois il existe un moyen de neutraliser la Bête. Je<br />
préfère vous prévenir que ce n’est pas sans danger.<br />
— De quoi s’agit-il ?<br />
— Il est possible, en modifiant le dosage <strong>des</strong> composants, d’obtenir un gaz qui, au lieu de tuer la<br />
Dévoreuse, l’endormira pour mille ans. Ce gaz n’aura d’effet que sur la Bête et ses créatures, les ratés,<br />
les sosies, et il sera in<strong>of</strong>fensif pour les humains.<br />
— Cela veut dire que tu t’endormiras, toi aussi, pour mille ans… souligna Peggy Sue.<br />
Alzir haussa les épaules.<br />
— Quelle importance ? Nous sommes si affreux, mes compagnons et moi, que nous avons le plus<br />
grand mal à nous supporter. Dormir nous épargnera tristesse et souffrance. Nous rêverons que nous<br />
sommes beaux et que tout le monde nous aime.<br />
— C’est triste, murmura Peggy dont la gorge se noua.<br />
— On n’y peut rien, éluda le monstre. Au moins j’aurai eu la satisfaction de me venger de celle qui<br />
m’a fait ainsi. Elle m’a joué un sale tour, je ne ferai que lui rendre la monnaie de sa pièce.<br />
— Arriveras-tu à doser correctement le nouveau mélange ? insista le chien bleu.<br />
Alzir fit la grimace (ce qui eut pour conséquence de le rendre si laid que Peggy et le petit animal<br />
faillirent pousser un cri de terreur !).<br />
— Il y a un risque, avoua le monstre. Rien n’est garanti. Si je me trompe, nous mourrons tous à la<br />
seconde où le gaz se répandra. Ce poison a été très habilement conçu. Il utilise <strong>des</strong> ingrédients d’une<br />
extrême rareté, les seuls qui soient capables d’attaquer l’organisme de la Dévoreuse, et je puis vous<br />
assurer qu’il n’en existe pas beaucoup. Je ferai de mon mieux, mais si je commets la moindre erreur, ce<br />
sera la mort pour tous les êtres se trouvant à l’intérieur de la coquille. Voulez-vous tout de même courir<br />
le risque ?