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<strong>La</strong> malédiction du chou bleu<br />
Peggy Sue tint à visiter le reste de la ville pour se faire une idée de la situation. Dans les maisons<br />
délabrées <strong>des</strong> travailleurs, elle put voir les murs crevassés, mal rebouchés… et surtout les bébés<br />
enfermés dans de petites cages grillagées qui leur tenaient lieu de berceaux et que <strong>des</strong> piquets fixaient au<br />
sol.<br />
— Au début c’était une protection suffisante, lui confia une mère, mais plus maintenant, la Bête est<br />
devenue trop forte. Plus elle mange, plus sa puissance augmente, et ses tentacules deviennent plus<br />
nombreux. Elle en a de toutes les tailles. Des gros, <strong>des</strong> petits. J’ai peur pour mes fils… trois d’entre eux<br />
ont déjà été enlevés. Je les ai vus disparaître à l’intérieur du mur… J’en rêve encore la nuit.<br />
Peggy serra la pauvre femme dans ses bras et sortit de la maison. Elle était bien décidée à combattre<br />
le monstre. Le problème, c’est qu’elle n’avait aucune idée sur la manière dont elle devrait s’y prendre.<br />
Elle en apprit davantage dans une autre famille. Le père, qui se prénommait Wladek, lui expliqua :<br />
— Le seul moyen dont on dispose quand on n’a pas assez d’argent pour expédier les gosses dans <strong>des</strong><br />
colos de sécurité, c’est de leur faire manger <strong>des</strong> aliments qui donnent à leur chair un goût abominable.<br />
— Ça existe ? s’étonna Peggy.<br />
— Oui, le chou bleu… C’est atroce. Quand on en mange, on se met à puer comme trente-cinq cochons<br />
arrosés de fumier. <strong>La</strong> bête <strong>des</strong> <strong>souterra</strong>ins n’aime pas ça. Elle n’enlève jamais les enfants qui se<br />
nourrissent exclusivement de chou bleu.<br />
À première vue, cela semblait une solution idéale, mais quand la jeune fille interrogea Gerta, la fille<br />
de Wladek, celle-ci se mit à pousser <strong>des</strong> cris de protestation.<br />
— Le chou bleu, c’est dégoûtant ! glapit-elle. Personne n’est capable de l’avaler sans vomir. Et puis,<br />
si on en mange tous les jours, on sent mauvais pour le restant de sa vie. L’odeur ne s’en va jamais !<br />
J’avais une copine, Brigitte, qu’on gavait de chou bleu… Au bout d’un mois, elle puait tant que j’ai dû<br />
arrêter de la voir. Impossible de lui faire la bise sans dégobiller ! Même ses parents se mettaient une<br />
pince à linge sur le nez pour supporter sa présence. Son chat et son chien se sont enfuis. Depuis, elle<br />
pleure tout le temps. Non, je préfère encore être emportée par la Dévoreuse que de puer comme un<br />
cochon ! Jamais je n’accepterai de manger cette horreur !<br />
Wladek emmena Peggy visiter les champs de choux bleus qu’on cultivait aux abords de la ville.<br />
— Il est exact qu’on a du mal à les avaler, avoua-t-il. Je crois qu’il n’existe rien dans l’Univers qui<br />
soit aussi mauvais. Pourtant cela pourrait sauver nos gosses.<br />
Il baissa la tête, triste et désemparé.<br />
— Si vous nous veniez en aide, soupira-t-il, ce ne serait pas de refus.<br />
Le lendemain, Peggy et le chien bleu furent assaillis par une bande de gamins brandissant <strong>des</strong> livres<br />
tout écornés de la série Peggy Sue et les fantômes, et qui leur réclamèrent <strong>des</strong> autographes. Peggy dut<br />
signer, l’animal apposa sur une page la marque de sa patte boueuse.<br />
— On vous connaît ! criaient les enfants, on lit vos aventures ! On sait que vous êtes <strong>des</strong> superhéros,<br />
vous allez nous sauver…<br />
Peggy se sentit gênée, mais le chien bleu parada en tortillant de la queue.<br />
Une petite fille saisit la main de l’adolescente et la serra.