25.06.2013 Views

La Bete des souterra.. - Index of

La Bete des souterra.. - Index of

La Bete des souterra.. - Index of

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Massalia, comme tous les militaires, ne rêve que plaies et bosses. Il voudrait devenir un héros, sauver la<br />

planète… Sauver Kandarta ! Mais de quel danger, grand dieu ?<br />

Il avait prononcé ces derniers mots avec un mépris amusé, comme s’il jugeait cette précaution inutile<br />

et, somme toute, un peu naïve.<br />

— Mais vous devez être épuisés ! s’exclama-t-il en saisissant Peggy Sue par le bras. Venez donc<br />

partager mon repas, ensuite nous préparerons notre départ pour la montagne <strong>des</strong> délices.<br />

Les adolescents se laissèrent entraîner. Ils avaient grand faim. Les efforts accomplis au cours <strong>des</strong><br />

derniers jours avaient allumé en eux un appétit d’ogre.<br />

— Passons dans la salle à manger, dit le grand vizir en claquant dans ses mains.<br />

Aussitôt une armée de serviteurs en tabliers de cuir se précipita sur les traces <strong>des</strong> convives. Ranuck<br />

conduisit les visiteurs dans une salle de marbre noir dépourvue d’ouvertures sur l’extérieur. C’était une<br />

sorte de cabinet particulier, une rotonde bordée de colonna<strong>des</strong> qu’éclairaient <strong>des</strong> torches fichées dans <strong>des</strong><br />

supports de cuivre. L’endroit dégageait une atmosphère inquiétante. Sebastian et Peggy Sue hésitèrent sur<br />

le seuil, aveuglés par la pénombre. Le garçon dut faire un effort pour <strong>des</strong>cendre les quatre marches qui<br />

conduisaient au sein de l’enclave obscure. Les dalles étaient couvertes de tapis écarlates, et <strong>des</strong> tentures<br />

rouges tombaient du plafond. Une table de pierre noire occupait le centre de la salle. C’était un meuble<br />

monumental qu’on avait dû récupérer dans quelque temple, et Peggy Sue lui trouva l’allure d’un autel<br />

conçu pour les sacrifices humains. Des chaises capitonnées de velours cramoisi entouraient la table. Il y<br />

en avait une dizaine. Déjà une servante disposait <strong>des</strong> couteaux, <strong>des</strong> fourchettes qu’elle tirait d’un c<strong>of</strong>fret<br />

de cuir. Ranuck prit place, invitant les visiteurs à en faire autant. Peggy Sue déposa le chien bleu sur une<br />

chaise et s’assit. Pour se donner une contenance, elle ramassa le couteau posé devant elle et en éprouva le<br />

fil sur son pouce. C’était une arme redoutable, un scalpel tout droit sorti d’une salle de chirurgie et qui<br />

paraissait déplacé sur une table de banquet. L’adolescente serra les dents, en alerte. Cette salle noire,<br />

isolée, avait à ses yeux quelque chose de menaçant. Elle faisait penser à la chapelle secrète d’un culte<br />

interdit ou honteux. Un endroit suspect. On avait refermé les lour<strong>des</strong> portes d’ébène, et seule la lumière<br />

<strong>des</strong> torches éclairait à présent les convives, allumant <strong>des</strong> scintillements sur les lames <strong>des</strong> coutelas.<br />

Obéissant à un signe de Ranuck, les servantes s’empressèrent de nouer au cou <strong>des</strong> invités de gran<strong>des</strong><br />

serviettes rouges qui ressemblaient à <strong>des</strong> bavoirs pour adultes. Le grand vizir fit de même, et, saisissant<br />

son couteau et sa fourchette, il posa les cou<strong>des</strong> sur la table. Peggy se sentait de moins en moins à l’aise,<br />

elle venait de repérer à la surface du bloc de pierre <strong>des</strong> sillons de drainage évoquant ceux qu’on trouve<br />

d’ordinaire sur les autels sacrificiels.<br />

— Je pense que vous n’avez jamais encore goûté à la délicieuse gourmandise, dit Ranuck sur le ton<br />

de la conversation mondaine. Si vous décidez de vous y adonner pendant notre séjour à la montagne,<br />

sachez que vous vous exposerez à certains désagréments quotidiens.<br />

— <strong>La</strong> viande qui prend le goût de vieux mégots ? hasarda Peggy Sue.<br />

— Oui, confirma le vizir, c’est l’une <strong>des</strong> sanctions principales. Si l’on n’aime ni les mégots ni la<br />

cendre froide (et encore moins le pipi de chat !), il devient difficile de s’alimenter correctement. C’est ce<br />

qui explique le délabrement physique de beaucoup de gens à Kromosa. Certains arrivent à vaincre leur<br />

répugnance et à se nourrir d’aliments au goût atroce, mais ils sont rares. Pour ma part, je n’y suis jamais<br />

parvenu.<br />

— Vous vous adonnez à la drogue <strong>des</strong> montagnes ? Cette neige dont on fait <strong>des</strong> sorbets ? s’étonna<br />

Sébastian. Pourtant vous semblez en bonne santé.<br />

Le vizir sourit. <strong>La</strong> lueur <strong>des</strong> torches allumait <strong>des</strong> reflets rouges sur sa trogne.<br />

— C’est que j’ai choisi la seconde solution, expliqua-t-il avec fatuité ; il existe une viande qui ne<br />

prend pas le goût du vieux mégot lorsqu’on la mâche. Oui, une viande, une seule.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!