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angée de dents minuscules. Elle laissa échapper un cri de douleur et retira sa main.<br />
Ainsi l’arbre hébergeait <strong>des</strong> rongeurs ! Des écureuils peut-être ? Un rayon de lune lui permit de<br />
distinguer la forme arrondie d’une pomme suspendue à la croisée de deux branches. Mais cette pomme<br />
avait <strong>des</strong> yeux et… une bouche !<br />
Avec un frisson d’épouvante, Peggy comprit alors que le fruit était en réalité une petite tête ! Une tête<br />
réduite dont la bouche s’ouvrait en grimaçant sur un fouillis de dents pointues ! L’arbre était plein de ces<br />
fruits dont les mâchoires claquaient avec un bruit de piège à rat.<br />
— Sebastian ! appela Peggy, bon sang, réveille-toi ! Il se passe quelque chose…<br />
Mais le garçon resta prisonnier du sommeil. L’adolescente eut beau lui expédier un coup de pied, il<br />
se contenta de grogner en bavant une bulle de salive.<br />
Peggy voulut cueillir la tête qui l’avait mordue pour la rejeter au loin, mais le fruit poussa un<br />
rugissement qui la fit reculer. À présent qu’elle y voyait mieux, la jeune fille se rendait compte qu’elle se<br />
trouvait en présence de dizaines de pommes vivantes. De vilains tubercules à visage humain. Chaque<br />
pomme présentait une physionomie différente, avec ses yeux furibonds, sa bouche ourlée de crocs<br />
pointus. Elles claquaient <strong>des</strong> dents avec gourmandise, comme si elles mouraient de faim.<br />
— Quelles horribles petites choses ! haleta le chien bleu. On dirait qu’elles ont l’habitude de manger<br />
ceux qui veulent les cueillir… c’est le monde à l’envers !<br />
Alors qu’elle tentait de casser une branche pour s’en faire un gourdin, Peggy vit que plusieurs fruits<br />
avaient incliné le rameau qui les soutenait pour se rapprocher de Sebastian… et le mordre pendant qu’il<br />
était inconscient !<br />
Prisonnier de son sommeil comateux, le garçon ne sentait nullement le contact <strong>des</strong> bouches minuscules<br />
qui lui déchiraient la peau, et il demeurait affaissé, <strong>of</strong>fert, tandis que les têtes suspendues aux<br />
ramifications <strong>des</strong> branches allaient et venaient, tel le balancier d’une pendule, lui arrachant à chaque<br />
passage un nouveau lambeau de chair.<br />
— Sebastian ! hurla Peggy. Réveille-toi ! Elles vont te dévorer vif !<br />
Elle savait que son cri était inutile. Son bâton à la main, elle essaya de repousser les fruits, mais<br />
ceux-ci s’écartèrent d’elle en lui crachant au visage.<br />
Il lui sembla que les têtes miniatures percevaient sa peur et se mettaient à ricaner.<br />
— <strong>La</strong>issez-nous tranquilles ! leur cria-t-elle. Nous ne sommes pas responsables de vos malheurs…<br />
Nous n’avions jamais mis les pieds ici avant aujourd’hui !<br />
Il fallait que Sébastian se réveille avant d’être dévoré pendant son sommeil. Il était si pr<strong>of</strong>ondément<br />
endormi qu’il ne souffrait même pas <strong>des</strong> morsures répétées <strong>des</strong> fruits démoniaques. « C’est comme s’il<br />
était anesthésié ! » songea Peggy avec désespoir.<br />
Les pommes revinrent à l’assaut, mordant les mains et les poignets de l’adolescente. Le chien bleu<br />
essaya de les broyer entre ses mâchoires, mais leur goût était si affreux qu’il vomit !<br />
Peggy Sue esquissa <strong>des</strong> moulinets avec son bâton.<br />
Un bruissement inquiétant parcourut l’arbre fantastique. Les têtes réduites s’agitaient en tous sens,<br />
faisant danser les branches. Bien qu’aucun vent ne soufflât, la ramure frémissait tel le mât d’un navire<br />
pris dans la tempête. Peggy fouilla le lacis <strong>des</strong> branches de la pointe de son gourdin. Elle réussit à<br />
toucher l’une <strong>des</strong> « pommes » qui éclata.<br />
Les têtes réduites remuèrent de plus belle, et toute la ramure gémit, prise d’une sorte de tremblement<br />
frénétique.<br />
Peggy aurait pu sauter. Mais sauter, c’était se jeter dans les bras <strong>des</strong> squelettes qui piétinaient au pied<br />
de l’arbre, bien décidés à lui arracher la peau. Difficile de savoir ce qui était le plus dangereux…