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N’y tenant plus, Peggy bondit hors de sa cachette pour le rejoindre à la proue de l’aérostat. Penchée<br />
au-<strong>des</strong>sus du vide, elle put vérifier qu’un brouillard rosâtre envahissait la plaine, enveloppant de ses<br />
volutes la masse hideuse de la bête <strong>des</strong> <strong>souterra</strong>ins.<br />
<strong>La</strong> Créature poussa un rugissement effroyable car elle venait de tout comprendre. Sa voix formidable<br />
éclata en échos douloureux dans l’esprit de l’adolescente.<br />
— Tu… tu m’as bernée, petite Terrienne… chuintait-elle, mais ne te crois pas tirée d’affaire… Tu<br />
n’as pas encore gagné ! Loin de là.<br />
— Bon sang ! hoqueta le chien bleu, elle déploie ses tentacules. Regardez ! Elle va essayer de nous<br />
attraper ! Pourquoi ne s’endort-elle pas ?<br />
— C’est normal, gémit Alzir, elle est si grosse que le somnifère ne peut pas agir instantanément. Cela<br />
va prendre deux ou trois minutes.<br />
— Trois minutes ! protesta le petit animal, mais nous serons morts d’ici là ! Elle va nous mettre en<br />
pièces !<br />
En effet, les tentacules de la Dévoreuse s’élevaient déjà à travers la nappe de brouillard en direction<br />
du ballon dirigeable. Alzir tendit la main pour augmenter le débit du béthanon, mais Peggy Sue lui saisit<br />
le poignet.<br />
— Non ! dit-elle, l’enveloppe va éclater. On ne peut pas la dilater davantage. Si tu insistes, les<br />
coutures céderont.<br />
L’aérostat filait vers la surface, pas assez vite cependant pour distancer les tentacules lancés à sa<br />
poursuite. Cette fois, la Bête avait déployé ses pseudopo<strong>des</strong> de combat, ceux qui se terminaient par <strong>des</strong><br />
doigts griffus. Ces mains cauchemar<strong>des</strong>ques s’ouvraient et se fermaient nerveusement dans leur hâte de<br />
s’emparer <strong>des</strong> fuyards et de les écraser.<br />
Figée par la peur, Peggy Sue entendit les redoutables ongles racler le <strong>des</strong>sous <strong>des</strong> caisses, arrachant<br />
<strong>des</strong> morceaux de bois.<br />
— Coucou ! cria Sébastian en se penchant par-<strong>des</strong>sus la nacelle, je suis là ! Tu ne m’attraperas pas !<br />
Na-na-nère !<br />
Il riait et multipliait les pieds de nez à la Bête comme si tout cela n’était qu’un grand jeu entre<br />
copains.<br />
Le Capitaine Fantôme se mit à tanguer, et ses passagers durent se cramponner aux haubans pour ne<br />
pas basculer dans le vide.<br />
« Au prochain coup, la nacelle se disloquera », songea Peggy, blême de peur.<br />
L’une <strong>des</strong> mains écailleuses claqua à un mètre à peine de l’endroit où elle se tenait.<br />
« Tu… tu… ne m’échapperas… p… p… pas… » fit la voix de la Dévoreuse dans son esprit.<br />
« Elle s’endort ! constata la jeune fille. Le somnifère est en train de la paralyser. »<br />
Déjà, les tentacules bougeaient de manière paresseuse, comme si toute énergie les quittait. Ils<br />
cessèrent bientôt de se cramponner au ballon et se replièrent lentement.<br />
— Voilà ! annonça Alzir. Elle est endormie. Elle va rester ainsi pendant mille ans, plongée dans ses<br />
rêves. Dis-le bien aux humains qui habitent à la surface de la coquille. Il s’agit d’un répit, d’un simple<br />
répit. Dans dix siècles, la Bête se réveillera et tout recommencera. Si vos congénères ne sont pas<br />
totalement idiots, ils quitteront Kandarta pour aller s’installer sur une autre planète. Mille ans, cela leur<br />
laisse le temps d’organiser leur déménagement.<br />
— Et toi ? s’enquit Peggy.<br />
— Moi, fit Alzir avec un haussement d’épaules. Moi, je vais sauter par-<strong>des</strong>sus bord. Je rebondirai<br />
trois ou quatre fois sur la plaine de caoutchouc, puis je m’endormirai aux côtés de la créature qui m’a