Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Tout à coup, quelque chose se dressa dans la nuit, lui barrant le chemin. D’abord elle eut l’illusion<br />
qu’un énorme cobra se tenait devant elle, la coiffe gonflée par la colère. À la lueur de la boule<br />
luminescente, Peggy distinguait mal les contours <strong>des</strong> objets. Elle comprit enfin qu’un tentacule s’était mis<br />
en travers de sa route comme pour lui signifier de ne pas faire un pas de plus.<br />
— Oh-oh, chuchota le chien bleu. Serait-ce le début <strong>des</strong> hostilités ?<br />
Peggy s’immobilisa. À trois mètres de l’endroit où elle se tenait, le bout préhensile du tentacule<br />
palpitait.<br />
— Celui-ci ne possède ni griffes ni dents, remarqua le chien. Mais je vois ses yeux… On dirait un<br />
serpent.<br />
— Sans doute existe-t-il différentes sortes de pattes ? supposa Peggy. Chacune correspond à un usage<br />
déterminé.<br />
Elle se tut car elle n’aimait pas le son chevrotant de sa voix. « Je suis morte de trouille ! » s’avoua-telle.<br />
À présent, le tentacule se convulsait de façon bizarre.<br />
— Il se déforme, constata le chien bleu. Nom d’une saucisse atomique ! On dirait qu’il… qu’il essaye<br />
de modeler quelque chose… une sorte de bonhomme.<br />
— Mais oui, c’est ça ! haleta l’adolescente. Regarde : la peau a changé de couleur… elle est rose, et<br />
puis une tête est en train d’apparaître.<br />
— C’est du mimétisme [29] ou je ne m’y connais pas ! s’extasia le petit animal.<br />
Peggy Sue fronça les sourcils. Il lui semblait reconnaître le visage qui se formait devant elle.<br />
— J’ai déjà vu cette figure quelque part… marmonna-t-elle.<br />
— Bien sûr ! s’exclama le chien. C’est la tienne ! <strong>La</strong> bête est en train de modeler une poupée à ton<br />
image !<br />
Peggy laissa échapper un cri de surprise. Mais oui ! L’extrémité du tentacule s’était peu à peu<br />
métamorphosée en une réplique parfaite d’elle-même. <strong>La</strong> Dévoreuse avait poussé le sens du détail<br />
jusqu’à activer certains pigments cachés sous sa peau pour reproduire la couleur <strong>des</strong> cheveux ou <strong>des</strong> veux<br />
de Peggy Sue. Cela donnait une statue vivante… ou plutôt une marionnette, qui bougeait les bras et<br />
souriait avec une grâce un peu molle.<br />
— Hé ! s’inquiéta l’adolescente, qu’est-ce que ça signifie ?<br />
— Ça signifie que je maîtrise enfin l’art du modelage vivant, fit une voix énorme dans la tête de<br />
Peggy.<br />
L’émission télépathique était si forte que la jeune fille crut que le sang allait lui jaillir par le nez et<br />
les oreilles. Le chien bleu poussa un couinement douloureux et se cacha le museau sous la patte.<br />
— Qui… qui parle ? balbutia Peggy Sue en portant la main à son front afin de s’assurer qu’il n’avait<br />
pas éclaté.<br />
— Moi… dit la voix énorme. Celle que vous surnommez la Dévoreuse. Il y a longtemps que<br />
j’attendais ce moment.<br />
— Bon sang ! hurla la jeune fille, réduis le volume ou bien mon crâne va exploser.<br />
— Pardon, déclara poliment la créature, mais je suis si grosse que ma voix est proportionnelle à ma<br />
masse. J’ai encore du mal à doser sa force. Au début, lors de mes premiers essais de communication, les<br />
on<strong>des</strong> que j’émettais étaient si puissantes qu’elles faisaient bouillir le cerveau <strong>des</strong> gosses auxquels je<br />
m’adressais.<br />
— Quoi ? hoqueta Peggy, horrifiée.