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ecroquevillée.<br />
Non, ce n’était pas une bête, plutôt… une main ? Une main aussi grande qu’un wagon de chemin de<br />
fer, une main se terminant par trois longs doigts griffus. <strong>La</strong> chair en paraissait écailleuse, tendue sur les os<br />
par le processus de momification. Dans le mauvais éclairage cela pouvait passer pour le cadavre d’une<br />
araignée géante, mais c’était bien une main aux doigts effilés. <strong>La</strong> chose, quoique ratatinée, n’en dégageait<br />
pas moins une formidable puissance. C’était là un outil naturel conçu pour déchirer les matières les plus<br />
résistantes.<br />
— C’est l’extrémité d’un tentacule, dit Massalia. Son bout préhensile [5] . <strong>La</strong> rame l’a tranché net au<br />
moment de la collision, il y a de cela trente ans. Il est là depuis tout ce temps. On raconte qu’il a mis une<br />
éternité à mourir. Bien que coupé, il rampait au long <strong>des</strong> wagons, essayant encore de s’y introduire pour<br />
s’emparer <strong>des</strong> jeunes voyageurs.<br />
Le général se tut, incapable d’en dire plus. Peggy Sue prit conscience qu’elle était en train de marcher<br />
à reculons, s’éloignant malgré elle de l’étrange débris obstruant le tunnel. Elle trébucha sur un rail et<br />
faillit perdre l’équilibre. Sebastian la rattrapa par la manche et la remit d’aplomb.<br />
— Attention, murmura Massalia, toutes ces crevasses mènent directement au centre du monde. Si vous<br />
tombiez…<br />
<strong>La</strong> jeune fille se détourna.<br />
— Alors, fit le chevalier, vous y croyez maintenant ?<br />
L’adolescente ébaucha un mouvement pour se diriger vers la sortie, Massalia l’arrêta.<br />
— Où allez-vous ? gronda-t-il. <strong>La</strong> visite n’est pas terminée.<br />
Il était sans pitié, et les trois amis durent encore le suivre jusqu’à une autre station où il leur désigna<br />
la voûte. Des lézar<strong>des</strong> la fendaient de bas en haut, comme si elle avait encaissé de formidables coups de<br />
bélier.<br />
— Vous voyez, dit Massalia. Les tentacules remontent le long <strong>des</strong> tunnels jusqu’ici, pour marteler le<br />
plafond. Au-<strong>des</strong>sus de nos têtes se dresse l’immeuble du dortoir où vous avez dormi. <strong>La</strong> Dévoreuse le<br />
sait. Elle a senti la présence <strong>des</strong> enfants. Elle voudrait provoquer un affaissement de terrain. Si la maison<br />
s’écroulait, les gosses seraient avalés par les crevasses du sol ; la Bête pourrait alors s’en emparer. Elle<br />
ne se contente pas d’attendre passivement, dès qu’elle renifle la présence d’une proie, elle met tout en<br />
branle pour s’en saisir. Regardez, combien de temps croyez-vous que la voûte résistera encore ?<br />
Il allait ajouter quelque chose quand un grattement retentit derrière eux. Ils se figèrent, en alerte.<br />
— Hé… chuchota le chien bleu, ça vient du tunnel… On dirait qu’un truc s’y déplace.<br />
Peggy sentit la chair de poule lui couvrir les bras.<br />
Se tournant vers le général, elle balbutia :<br />
— Dites-moi que je rêve, ça ne peut pas être…<br />
Elle n’osa terminer sa phrase.<br />
Le grattement se rapprochait.<br />
« Un rat, pensa l’adolescente. Un énorme rat… »<br />
Tous les regards étaient désormais fixés sur l’orifice du tunnel à demi obstrué par les wagons<br />
rouillés. <strong>La</strong> « chose » gratta de plus belle, bien décidée à sortir.<br />
— C’est le tentacule, haleta Sébastian. Il n’était pas mort ! Bon sang, général, vous nous avez jetés<br />
dans la gueule du loup !<br />
Le chevalier dégaina son épée et s’avança au bord du quai.