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pressé de prendre contact. Pourquoi le ferait-il, d’ailleurs, puisque le temps joue en sa faveur. Il sait que<br />
notre réserve de sève antipoison va s’épuiser. À partir de là, plus rien ne nous protégera <strong>des</strong> sortilèges du<br />
gaz hilarant et nous deviendrons comme ces petits crétins qui jouent aux kangourous : <strong>des</strong> prisonniers<br />
volontaires. »<br />
Les deux amis étaient forcés d’avancer à pas prudents car il y avait <strong>des</strong> dormeurs dans tous les coins !<br />
Si l’on n’y prenait pas garde, on leur marchait sur le ventre.<br />
Des chants s’entrecroisaient dans l’obscurité. Certains très beaux, d’autres maladroits. Les chorales<br />
répétaient avant d’aller se produire devant la Dévoreuse.<br />
« C’est sympa », songea Peggy. Aussitôt, elle tressaillit, étonnée d’avoir eu cette pensée.<br />
— Nous sommes peut-être moins bien immunisés contre le gaz euphorisant que nous ne l’imaginions,<br />
observa le chien bleu. J’avoue que, moi aussi, je commence à trouver cette ambiance plutôt amusante.<br />
— Buvons une nouvelle gorgée de sève ! décida la jeune fille. Il ne faut surtout pas se laisser avoir !<br />
C’est ce que désire la Dévoreuse : nous faire perdre tout sens critique.<br />
*<br />
Après avoir erré deux longues heures sur la plaine caoutchouteuse, ils réussirent à faire leur jonction<br />
avec Sébastian. Le garçon portait toujours son masque respiratoire, ce qui l’avait en partie protégé <strong>des</strong><br />
émanations hilarantes vaporisées par la Bête. Il ne consentit à l’enlever que pour embrasser Peggy qui se<br />
jeta dans ses bras.<br />
— Oh ! zut ! se lamenta le chien bleu, nous revoilà partis pour vingt minutes d’effusions amoureuses !<br />
C’est à croire que ces deux-là ne se sont pas vus depuis un siècle ! Un peu de tenue, je vous prie, jeunes<br />
gens !<br />
*<br />
— Je ne me suis pas fait mal en tombant, expliqua Sébastian lorsque les trois amis essayèrent de faire<br />
le point. Rien de ce que transportait le ballon ne s’est cassé. Les bouteilles de béthanon, la bombe, tout<br />
s’est éparpillé en rebondissant sur la plaine de caoutchouc. Je crois même que l’enveloppe du Capitaine<br />
Fantôme est quelque part dans le coin. On pourrait récupérer l’ensemble, mais il faudrait explorer les<br />
environs. Ce n’est pas facile dans l’obscurité. C’est un drôle d’endroit. Tous ces gosses qui sautent en<br />
l’air en riant comme <strong>des</strong> dingues. J’avoue que ça commence à me taper sur les nerfs.<br />
— As-tu aperçu la Bête ? demanda Peggy.<br />
— Non, mais ses tentacules sont étalés sur la lande élastique. De temps en temps, ils se redressent<br />
pour faire un tour d’horizon. Il y a un œil au bout de chacun d’eux. <strong>La</strong> Dévoreuse les utilise comme <strong>des</strong><br />
périscopes pour surveiller ce qui se passe autour d’elle.<br />
— Où se cache-t-elle ? s’enquit le chien.<br />
— Au centre de la plaine, dans une espèce de nid, expliqua le garçon. Les enfants kangourous m’ont<br />
raconté ça. Ils vont la voir pour lui chanter <strong>des</strong> berceuses. D’après eux, elle n’est pas méchante. Elle<br />
s’ennuie, elle veut de la compagnie. Elle ne se sent bien qu’avec les enfants. Je ne sais pas si c’est vrai.<br />
Peut-être est-ce seulement ce qu’elle s’applique à leur faire croire ? Elle les contrôle au moyen du gaz<br />
hilarant… et elle les empêche de grandir. Certains gosses sont là depuis dix ans et ne s’étonnent pas<br />
d’avoir toujours le même aspect. Ils ont perdu le contact avec la réalité.<br />
— C’est un danger qui nous menace également… souligna Peggy Sue.