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— Votre odeur l’a réveillé, grogna-t-il. Ainsi, il n’était qu’endormi ? Je croyais pourtant…<br />
Il ne put en dire plus. Les doigts du pseudopode venaient d’apparaître, griffant la tôle oxydée <strong>des</strong><br />
wagons.<br />
— On dirait une main de momie ! s’exclama le chien bleu. Bouh ! qu’elle est vilaine !<br />
Les griffes bougeaient au ralenti, encore prisonnières de l’engourdissement du sommeil. Cela ne les<br />
empêchait nullement de se tourner vers les visiteurs imprudents.<br />
D’un brusque sursaut, le débris de tentacule s’extirpa du tunnel et retomba sur les rails. <strong>La</strong> seconde<br />
d’après, il escaladait le quai. Massalia lui porta deux coups d’épée. Les blessures, quoique pr<strong>of</strong>on<strong>des</strong>, ne<br />
saignèrent pas.<br />
— Sortons d’ici ! lança Sébastian. Ce truc va se débrouiller pour nous couper la retraite.<br />
Il prit Peggy Sue par la main pour l’entraîner vers le couloir menant à la sortie. Devinant qu’ils<br />
allaient s’enfuir, le tentacule tranché se propulsa dans leur direction. Par bonheur, il manquait de force.<br />
L’un de ses ongles frôla la cuisse de Peggy, crissant sur la toile du jean… <strong>La</strong> jeune fille eut un sursaut qui<br />
lui fit perdre l’équilibre. Elle tomba sur le dos. Immédiatement, la main momifiée se jeta sur elle, la<br />
recouvrant de son ombre. Ce fut comme si un crabe géant s’apprêtait à l’enlever dans ses pinces !<br />
L’adolescente hurla, battit <strong>des</strong> jambes pour lui expédier <strong>des</strong> coups de bottes…<br />
Puis elle prit conscience que les doigts de cuir ne bougeaient plus.<br />
— Il s’est rendormi ! souffla Massalia. Il n’avait pas assez d’énergie pour remuer plus longtemps.<br />
Vite ! Sors de là.<br />
Peggy ne se fit pas prier.<br />
Ils quittèrent le métro en se retournant tous les dix mètres pour s’assurer que l’horrible chose ne les<br />
avait pas pris en chasse. Dès qu’ils eurent retrouvé la lumière du jour, Peggy Sue se remplit les poumons<br />
d’air frais et déclara :<br />
— Ça va, nous acceptons la mission, mais ne vous faites pas d’illusions, quoi que vous pensiez, nous<br />
ne sommes pas <strong>des</strong> super-héros comme l’Araignée, Hulk ou Batman… Ces gens-là n’existent que dans les<br />
BD. Il va falloir régler ce problème avec les moyens du bord. J’espère que votre idée d’arbalète est<br />
bonne.<br />
— Si tu en as une meilleure, je suis tout disposé à l’étudier, grommela le chevalier.<br />
*<br />
Le lendemain, alors qu’elle se promenait dans la ville, Peggy Sue prêta davantage attention aux<br />
lézar<strong>des</strong> <strong>des</strong> trottoirs. Chaque fois qu’elle enjambait l’une d’entre elles, elle jetait un coup d’œil dans<br />
l’entrebâillement de la bouche d’asphalte [6] pour tenter de sonder cette obscurité d’où montait une<br />
puissante odeur de terre remuée.<br />
Une comptine idiote, agaçante, lui trottait dans la tête : « Loup y es-tu ? Entends-tu ? Que fais-tu ? »<br />
Elle marcha plus vite, les yeux rivés au sol. Le bitume étendait son réseau de craquelures à travers<br />
toute la cité, découpant le goudron en cases hexagonales presque régulières.<br />
<strong>La</strong> petite chanson continuait à tourner dans la tête de Peggy : Loup y es-tu ? Entends-tu ? Que faistu<br />
?<br />
Soudain, alors qu’elle enjambait une nouvelle crevasse, elle crut voir briller quelque chose dans les<br />
ténèbres. Un œil perdu à <strong>des</strong> kilomètres sous ses pieds, un œil énorme et luisant. Une braise vivante<br />
braquée sur elle, et pleine d’une affreuse malice. Elle décida de ne pas s’arrêter.