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La Bete des souterra.. - Index of

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— J’suis super bien, balbutia le chien. Ces papillons roses ont un goût génial.<br />

— Quels papillons ?<br />

— Ceux-là… les… les p’tits qui tombent du ciel…<br />

Peggy Sue comprit qu’il faisait allusion aux flocons voletant devant son museau.<br />

— Arrête d’en manger ! lui ordonna-t-elle, tu es en train de perdre la tête.<br />

— Mais non… s’esclaffa l’animal. J’me sens en pleine forme…Et puis, si j’en gobe suffisamment il<br />

va me pousser <strong>des</strong> ailes et je pourrai voler avec eux. Ils m’l’ont dit… tu d’vrais essayer… C’est trop<br />

bon.<br />

Au bout d’un moment, il sombra dans une sorte de stupeur dont Peggy Sue ne parvint pas à l’arracher.<br />

Incapable de trouver le sommeil, elle sauta sur le sol et se mit à marcher autour <strong>des</strong> chariots. Le<br />

brouillard rose l’enveloppait de ses gifles poudreuses, criblant son visage de piqûres d’aiguille. <strong>La</strong> jeune<br />

fille se masqua la bouche. Autour d’elle, la bourrasque palpitait, étirant au ras du sol ses écharpes de<br />

sucre filé qui rappelaient la « barbe à papa » <strong>des</strong> fêtes foraines.<br />

Peggy fit quelques pas, la faim creusait un trou dans son ventre, une faim anormale qu’elle n’avait<br />

jamais éprouvée de toute sa vie.<br />

« C’est l’influence de la neige rose, songea-t-elle, nous n’aurions jamais dû venir ici, c’était une<br />

erreur. Ranuck savait ce qui allait arriver. Il espère que nous prendrons goût, nous aussi, à l’enchantement<br />

<strong>des</strong> sorbets. Il veut que nous devenions ses complices. »<br />

Peggy avançait au milieu de la tourmente. Machinalement, ses yeux suivaient les allées et venues <strong>des</strong><br />

servantes occupées à remplir les coupes d’or avec la neige du sol. <strong>La</strong> gourmandise la submergea, lui<br />

mettant l’eau à la bouche.<br />

« Il faut résister, pensa-t-elle, demain nous aurons quitté la montagne et l’envoûtement cessera. Il faut<br />

tenir jusque-là. Oui, tenir. »<br />

Elle s’ébroua. Le froid pénétrait sa cape de fourrure et bleuissait ses mains. Résister, se répéta-t-elle,<br />

ne pas basculer du mauvais côté. Mais l’envoûtement était puissant, terrible… et la neige semblait si<br />

bonne, si attirante.<br />

Le brouillard se levait, les bourrasques charriaient désormais moins de flocons. <strong>La</strong> Dévoreuse<br />

s’endormait et son souffle n’était plus assez puissant pour grimper jusqu’aux nuages. D’ici un moment la<br />

neige cesserait de tomber sur la montagne <strong>des</strong> délices.<br />

Peggy Sue marcha jusqu’à un promontoire dominant la ville. À présent que la brume se dissipait, on<br />

distinguait les dômes dorés de Kromosa. En bas, dans les dernières lueurs du soleil couchant, on<br />

apercevait la ville coupée en deux. <strong>La</strong> fumée bleue coulant sur les ruines du ghetto et, de l’autre côté <strong>des</strong><br />

remparts, la cité de marbre immaculée, avec ses jets d’eau, ses statues… ses cannibales vêtus de toges de<br />

soie !<br />

Elle eut une pensée pour Goussah, qui courait là-bas, et se sentit emplie de tristesse.<br />

Au même moment, un corbeau à bec de fer lui frôla la joue de son aile bleutée. Elle sursauta. Elle<br />

détestait ces oiseaux dont l’apparition trahissait toujours l’approche d’un maléfice. Un deuxième corbeau<br />

se mit à tourner dans le ciel, puis un troisième. Ils planaient en cercle, sans pousser le moindre cri,<br />

comme s’ils scrutaient la montagne, à la recherche de quelqu’un. Un tel comportement n’augurait rien de<br />

bon. Peggy sentit son cœur se serrer : « Me surveilleraient-ils ? »<br />

Devinant une présence dans son dos, elle regarda par-<strong>des</strong>sus son épaule. Le grand vizir se tenait<br />

derrière elle, un sorbet à la main. Il le lui <strong>of</strong>frit. Incapable de résister, l’adolescente s’en saisit.<br />

— Mangez, ma chère enfant, dit Ranuck d’un ton onctueux. Dès que le temps va devenir plus clément<br />

il commencera à fondre, et vous aurez laissé passer une belle occasion de vous régaler.

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