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plus de hamacs disponibles. Installez-vous où vous pourrez, l’avion est très encombré… Je vous apporte<br />
tout de suite la carte <strong>des</strong> somnifères, à moins que vous n’ayez une marque préférée ?<br />
Peggy Sue bégaya qu’ils n’avaient aucune intention de dormir, mais l’hôtesse s’était déjà éloignée,<br />
louvoyant pour conserver son équilibre.<br />
— De quoi parle-t-elle ? chuchota Sebastian. Elle veut nous forcer à dormir ? C’est quoi cette<br />
histoire ?<br />
Hésitants, ils s’installèrent sur le plancher, tout près de la porte, car la soute était pleine à craquer.<br />
Comme ils tardaient à se glisser dans leurs sacs de couchage, l’hôtesse les gronda gentiment :<br />
— L’avion n’est pas pressurisé et la température va beaucoup baisser dès que nous aurons pris de<br />
l’altitude, il faut vous couvrir ou vous allez mourir de froid. Allons, couchez-vous.<br />
Les trois amis se sentirent forcés d’obéir. L’hôtesse était elle-même engoncée dans un anorak blanc<br />
qui lui faisait une silhouette d’ours polaire. Peggy Sue s’introduisit dans le duvet. Malgré la désinfection,<br />
le molleton conservait une odeur de transpiration. Elle eut la sensation de s’installer dans un lit dont on<br />
n’aurait pas changé les draps depuis douze ans. Autour d’elle <strong>des</strong> formes s’agitaient, bafouillant <strong>des</strong> mots<br />
incompréhensibles.<br />
— On a atterri ? demanda une voyageuse avec angoisse. On s’est posés ?<br />
L’hôtesse se précipita pour la rassurer.<br />
— Juste pour faire le plein, chuchota-t-elle, nous repartons déjà. N’ayez pas peur, dans une minute<br />
nous serons de nouveau en l’air. Voulez-vous un comprimé supplémentaire ?<br />
Elle allait de l’un à l’autre, distribuant <strong>des</strong> gobelets d’eau et <strong>des</strong> pilules soporifiques qu’elle faisait<br />
tomber d’un petit tube. Un à un, les dormeurs se rallongèrent, tirant par-<strong>des</strong>sus leur tête le capuchon du<br />
sac de couchage. Il n’y eut bientôt plus que le bruit <strong>des</strong> moteurs, ce vrombissement de frelon qui faisait<br />
trembler les tôles.<br />
Peggy Sue demeura crispée tout le temps que mit l’appareil pour grimper en altitude. L’inclinaison du<br />
fuselage faisait glisser les dormeurs vers la queue de l’avion, augmentant leur entassement, mais ils<br />
semblaient trop endormis pour s’en rendre compte.<br />
— C’est une vraie histoire de fou, chuinta le chien bleu. Un dortoir volant ! On n’a jamais vu ça !<br />
De temps à autre quelqu’un rêvait à voix haute. De tous les côtés montaient <strong>des</strong> ronflements.<br />
Peggy Sue ne parvenait pas à comprendre ce que faisaient ces gens entassés les uns sur les autres. Et<br />
pourquoi se gavaient-ils de somnifères ?<br />
Quand l’hôtesse s’approcha avec la carte <strong>des</strong> hypnotiques, elle lui posa la question. <strong>La</strong> jeune femme<br />
leva les sourcils, stupéfaite de son ignorance.<br />
— Mais voyons, souffla-t-elle, c’est le charter du sommeil ! Je pensais que vous le saviez.<br />
— Non, avoua Peggy Sue. On nous a dit de prendre ce vol parce que c’est le seul qui se pose à<br />
Mandavaar. Quelle est votre <strong>des</strong>tination finale ?<br />
— Mais nous n’en avons pas, balbutia la jeune femme. C’est un vol circulaire. Les gens qui le<br />
prennent ne vont nulle part.<br />
— Nulle part ? bredouilla Sebastian. Mais alors pourquoi montent-ils à bord ?<br />
— Pour dormir, bien sûr, s’esclaffa l’hôtesse. Pour dormir en paix. Loin <strong>des</strong> tentacules de la<br />
Dévoreuse… Ils emmènent leurs enfants avec eux. Une fois en l’air on risque moins d’être attrapés. Nous<br />
ne nous posons que pour faire le plein, notre compagnie garantit les escales les plus courtes. Avec Repos<br />
et Sécurité, on est certain de passer un maximum de temps en l’air.<br />
— Mais pourquoi dorment-ils ? insista Sebastian.