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essayer de discuter avec elle.<br />
— Vous êtes dingues ! s’emporta Sébastian. C’est un monstre. Elle dévore les enfants… Il faut la tuer.<br />
Dès que je pourrai m’approcher de l’arbalète je lui décocherai une flèche en plein cœur, et j’espère<br />
qu’elle en crèvera !<br />
Alors que Peggy se préparait à protester, un serviteur vint les prévenir que la caravane était prête à<br />
partir ; le grand vizir n’attendait plus qu’eux pour gagner la montagne <strong>des</strong> délices. Ils le suivirent. Ranuck<br />
avait pris soin de se dissimuler au fond d’un chariot anonyme mais dont l’espace intérieur avait été<br />
somptueusement aménagé. Les gar<strong>des</strong> à cheval qui escortaient le convoi portaient <strong>des</strong> capes de toile sur<br />
leurs cuirasses, et leurs armes étaient cachées dans les sacoches de cuir pendant de part et d’autre de la<br />
selle.<br />
<strong>La</strong> caravane s’ébranla aussitôt. Peggy Sue et ses amis, installés sur les coussins de fourrure du chariot<br />
de Ranuck, regardaient défiler le paysage dans l’entrebâillement du rideau couvrant la fenêtre. Le convoi<br />
avait pris la direction <strong>des</strong> remparts. Dès qu’il fut passé sous la herse de la grande porte, les chevaux<br />
pressèrent le pas.<br />
— Cette portion de route n’est pas sûre, expliqua Ranuck. On y a dévalisé certains gourmets qui se<br />
rendaient à la montagne, les poches pleines d’or.<br />
— Des gourmets ? s’étonna Peggy.<br />
— Oui, nous préférons ce terme à celui de « drogué ». Si vous n’avez jamais goûté à la délicieuse<br />
gourmandise, vous ne pouvez pas comprendre.<br />
Dehors la lande grise s’étendait à l’infini. Les chevaux s’engagèrent sur une route de montagne. Dès<br />
qu’ils eurent pris de la hauteur, un épais brouillard s’abattit sur la caravane et la température fraîchit.<br />
Peggy Sue et Sébastian frissonnèrent sous l’œil narquois de Ranuck qui avait revêtu un manteau<br />
d’astrakan.<br />
— Nous approchons du sommet, dit-il en se versant une coupe de vin chaud. Bientôt vous verrez la<br />
neige produite par le souffle de la Dévoreuse. Ce phénomène n’a cependant rien de magique : en<br />
s’élevant vers le ciel, l’haleine de la Bête, chaude et chargée d’humidité, se change en flocons… <strong>des</strong><br />
flocons roses qui tournoient et tapissent le pic d’une couche épaisse. Toute la zone neigeuse est sous le<br />
contrôle <strong>des</strong> trafiquants. Ils ont érigé <strong>des</strong> murailles de barbelés sur le pourtour du sommet et montent la<br />
garde jour et nuit. Ce sont <strong>des</strong> individus agressifs, avec qui mieux vaut ne pas discuter. L’aristocratie de<br />
Kromosa vient déguster les sorbets sur le lieu même de leur « récolte », car on ne peut transporter la<br />
neige jusqu’à la ville. Elle est fine, poudreuse, et s’évapore en trente secon<strong>des</strong> dès que la température<br />
grimpe d’un degré. <strong>La</strong> re<strong>des</strong>cendre au niveau de la plaine est impossible.<br />
Sébastian écarta la toile de protection pour jeter un coup d’œil à l’extérieur. Une sorte de halo rosâtre<br />
entourait le pic, noyant le sommet de la montagne dans un brouillard irréel. De fins flocons voletaient<br />
dans la brume telle une poussière impalpable. De part et d’autre du chemin, la neige s’entassait en couche<br />
compacte, immaculée, d’un rose soutenu.<br />
— C’est le plus beau spectacle qu’il m’ait été donné de contempler, s’extasia Ranuck. Les champs de<br />
la gourmandise.<br />
Peggy Sue remarqua un groupe d’enfants qui ramassaient la neige à pleines mains pour en remplir de<br />
grands seaux. Le froid leur bleuissait les doigts, et leurs pieds étaient entourés de chiffons. Lorsque le<br />
convoi passa à leur hauteur, Peggy vit qu’ils portaient <strong>des</strong> muselières de cuir et que <strong>des</strong> gar<strong>des</strong> armés de