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Pendant dix minutes elle tournoya dans le vide, les mains tendues dans l’espoir de s’accrocher à<br />
quelque chose. Hélas, il n’y avait rien… rien que le gouffre et la nuit. Le vent lui déformait la chair du<br />
visage et lui coupait la respiration. De manière inexplicable, elle « sentit » le sol se rapprocher. Une<br />
sorte d’instinct animal l’avertit qu’elle allait percuter le fond de l’œuf d’une seconde à l’autre. Elle serra<br />
les dents, se préparant au choc.<br />
Celui-ci eut lieu… mais, au lieu de s’aplatir comme un gâteau de riz jeté du trentième étage, Peggy<br />
Sue rebondit dans les airs !<br />
« Hé ! hoqueta-t-elle, qu’est-ce qui m’arrive ? »<br />
Elle n’en revenait pas. C’était comme si elle était tombée au beau milieu d’un trampoline. Le fond de<br />
l’œuf, caoutchouteux, avait absorbé une grande partie de l’impact avant de la réexpédier d’où elle<br />
venait !<br />
Elle s’éleva dans la nuit pendant trente secon<strong>des</strong> puis retomba. Elle rebondit aussitôt, mais beaucoup<br />
moins haut. Ce manège se reproduisit cinq fois de suite, jusqu’à ce que toute l’énergie de la chute ait été<br />
absorbée par la mollesse du sol.<br />
Quand elle se retrouva à quatre pattes dans l’obscurité, la tête lui tournait. Elle explora les environs<br />
d’une main prudente.<br />
« C’est du latex, constata-t-elle en palpant le fond de l’œuf. Ou de la sève d’hévéa. Ça forme une<br />
espèce de nid caoutchouteux. C’est normal, suis-je bête ! <strong>La</strong> Dévoreuse s’en est servie pour améliorer le<br />
confort de sa cachette. Elle n’allait pas passer mille ans à se meurtrir les fesses sur un lit de roches<br />
pointues !<br />
— Tu es là ? fit la voix télépathique du chien bleu dans son esprit. Ne bouge pas. Je peux te localiser<br />
en me guidant sur la longueur d’onde de tes pensées. J’arrive.<br />
Peggy s’assit dans l’obscurité. Elle n’osait plus bouger de peur de s’envoler dans les airs. Le chien<br />
bleu ne tarda pas à la retrouver.<br />
— Quelle histoire ! s’exclama-t-il. J’en ai encore l’estomac qui tournicote.<br />
— Une chose est sûre, murmura Peggy, Sébastian ne s’est pas tué en tombant du filet. Il doit être<br />
quelque part aux alentours. Tu devrais essayer de lui lancer <strong>des</strong> messages télépathiques. Maintenant que<br />
nous sommes près de lui, tes on<strong>des</strong> devraient traverser les nappes de gaz.<br />
— On n’y voit rien, grogna l’animal. As-tu toujours le sac ? Il y a une lampe à huile dedans, ce serait<br />
peut-être le moment de l’allumer.<br />
— <strong>La</strong> Dévoreuse risque de nous repérer.<br />
— C’est vrai, mais on ne peut pas faire grand-chose dans le noir. Il faut courir ce risque.<br />
Peggy fouilla dans le sac à dos, à la recherche de la lampe rudimentaire qu’elle avait emportée en<br />
quittant le filet. Alors qu’elle bataillait pour enflammer la mèche, <strong>des</strong> rires retentirent à proximité. Des<br />
lueurs vertes se mirent à scintiller dans les airs, montant et <strong>des</strong>cendant à un rythme effréné.<br />
— Des gosses ! constata le chien bleu. Des gosses qui s’amusent à rebondir sur le caoutchouc du<br />
sol. Il y en a <strong>des</strong> dizaines ! Ils tiennent dans les mains <strong>des</strong> cocons phosphorescents qui les éclairent.<br />
C’était un curieux spectacle que ces marmots vêtus de haillons qui faisaient <strong>des</strong> galipettes dans les<br />
airs comme s’ils participaient à un concours de trampoline.<br />
— Voici donc les fameux prisonniers de la Dévoreuse, observa Peggy Sue. Tous les enfants qu’elle a<br />
enlevés. Elle ne les a pas dévorés, contrairement à ce que racontait Massalia. Elle les garde ici.<br />
— En tout cas, ils n’ont pas l’air malheureux ni maltraités, fit le chien. Tu as vu comme ils rigolent ?