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Tout d’abord, la racine resta immobile, puis la magie <strong>des</strong> notes fit effet, et elle se mit à ramper au<br />
milieu du fouillis <strong>des</strong> lianes.<br />
— Oh ! la, la ! gémit le chien, ça remue ! J’ai déjà le mal de mer !<br />
Peggy Sue était trop occupée à souffler dans l’instrument pour lui répondre. Diriger la racine n’était<br />
pas une mince affaire. Chaque fois qu’elle faisait une fausse note, le tubercule frissonnait de toute son<br />
écorce comme s’il se préparait à exploser.<br />
Après avoir longtemps zigzagué dans l’enchevêtrement végétal, l’étrange véhicule sortit de la forêt<br />
<strong>souterra</strong>ine suspendue au « plafond » et s’avança sur le granit de la coquille nue, telle une chenille<br />
monstrueuse sur un mur.<br />
« Le voyage commence », songea Peggy.<br />
*<br />
On n’y voyait pas grand-chose. L’intérieur de l’œuf était à peine éclairé par la lumière du jour filtrant<br />
au travers <strong>des</strong> crevasses, et parfois il fallait traverser une interminable zone nocturne avant de retrouver<br />
un rayon de soleil.<br />
Peggy espérait qu’on verrait bientôt surgir la courbure intérieure de la coquille ; ce serait à cet<br />
endroit qu’on entamerait la vraie <strong>des</strong>cente.<br />
— Je me languis déjà, se lamenta le chien bleu. Je me rends compte que c’était une idée idiote. Nous<br />
serons morts d’ennui avant de toucher le sol !<br />
Il exagérait à peine, et Peggy partageait cette crainte. Souffler dans la flûte de bois se révélait fort<br />
pénible à la longue. Elle prit conscience qu’ils s’étaient peut-être embarqués à la légère dans cette folle<br />
aventure.<br />
« Aurai-je la force de jouer jusqu’en bas ? » se demanda-t-elle avec angoisse.<br />
<strong>La</strong> face interne de la coquille n’était pas lisse. Des aspérités de toutes sortes la hérissaient ; les<br />
radicelles du « véhicule » végétal s’y accrochaient comme l’auraient fait les pattes d’un insecte.<br />
Chaque fois que la jeune fille s’arrêtait de jouer, la racine s’immobilisait et se lovait sur elle-même<br />
tel un serpent qui s’endort.<br />
— J’ai les lèvres en feu et les joues me font mal, soupira Peggy. Nous ne sommes pas sortis de<br />
l’auberge.<br />
— Je ne peux pas t’aider, répondit le chien, une flûte ne sert à rien si l’on n’a pas de doigts pour en<br />
boucher les trous.<br />
Dès qu’elle eut un peu récupéré, Peggy se remit à jouer ; aussitôt la racine sortit de son<br />
engourdissement et reprit sa reptation.<br />
« Une chenille, songea de nouveau la jeune fille. Une minuscule chenille qui trotte sur la muraille d’un<br />
château-fort. »