FRANKENSTEIN - Diogene éditions libres
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l'effet qu'avait produit sur moi, la première fois que je l'avais vu,<br />
l'extraordinaire glacier en perpétuel mouvement. J'en avais<br />
ressenti une extase sublime qui avait donné des ailes à mon âme et<br />
m'avait éloigné du monde ténébreux pour me conduire vers la<br />
lumière et la joie. La vision de ce que la nature avait de grandiose<br />
et de majestueux m'ébranlait toujours l'esprit et me faisait oublier<br />
les soucis de l'existence. J'étais déterminé à partir sans guide car je<br />
connaissais fort bien le chemin. Au reste, la présence d'une autre<br />
personne aurait détruit la grandeur solitaire du paysage.<br />
La pente est escarpée mais le sentier, avec ses petits détours<br />
successifs, permet l'accès au flanc perpendiculaire de la montagne.<br />
C'est un spectacle d'une terrifiante désolation. À de milliers<br />
d'endroits, on distingue des traces des avalanches de l'hiver. Des<br />
arbres détruits et déchiquetés jonchent le sol, certains sont<br />
totalement brisés, d'autres sont inclinés, tantôt sur des rochers,<br />
tantôt à la transversale sur des troncs. Le sentier, au fur et à<br />
mesure qu'on monte, est coupé par des ravins de neige, le long<br />
desquels, à tout moment, se précipitent des pierres.<br />
L'un d'entre eux est particulièrement dangereux car le<br />
moindre bruit, ne serait-ce que la voix d'un homme, provoque une<br />
vibration de l'air et celle-ci suffit pour anéantir celui qui parle. Les<br />
sapins sont ni grands ni touffus, mais plus sombres – ce qui ajoute<br />
à la sévérité du paysage. Je contemplai la vallée sous mes yeux :<br />
une forte brume montait des cours d'eau et allait couronner les<br />
sommets des montagnes d'en face, perdus parmi les nues<br />
obscures. Avec la pluie qui tombait, le ciel sombre, tout ce qui<br />
m'entourait dégageait la mélancolie. Hélas !<br />
Pourquoi l'homme s'enorgueillit-il d'une sensibilité supérieure<br />
à celle de la brute ? Elle est seulement plus nécessaire. Si nos<br />
impulsions se bornaient à la faim, à la soif, au désir, nous<br />
pourrions être presque <strong>libres</strong>. Au contraire, nous sommes touchés<br />
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