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FRANKENSTEIN - Diogene éditions libres

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trouble. Mais une rage irrésistible, la frénésie me poussait en<br />

avant. Il semblait que toutes mes sensations n'existaient qu'en<br />

fonction de ce but. Mais ce n'était qu'une transe passagère et,<br />

quand cette excitation démesurée cessait d'opérer, je revenais à<br />

mes anciennes habitudes. Je réunissais les os dans les charniers et<br />

mes doigts immondes violaient les extraordinaires secrets du<br />

corps humain. J'avais aménagé une chambre ou plutôt une cellule<br />

tout en haut de ma maison, séparée des autres pièces par une<br />

galerie et un escalier – la cellule de mes créations abjectes. Mes<br />

yeux sortaient de leurs orbites quand je les contemplais. La salle<br />

de dissection et l'abattoir me fournissaient la plupart de, mes<br />

matériaux et souvent mon naturel sensible me faisait détourner<br />

avec dégoût de mon travail. Nonobstant, poussé par une curiosité<br />

toujours plus accrue, je m'approchais du but.<br />

Les mois d'été s'écoulèrent, alors que j'étais, corps et âme, tout<br />

à mon travail. La saison était superbe. Jamais les champs<br />

n'avaient produit autant de récoltes et les vignes luxuriantes<br />

autant de vins – mais mes regards restaient insensibles aux<br />

charmes de la nature. Et les mêmes sentiments qui me faisaient<br />

oublier les paysages alentour me détournaient aussi de mes amis<br />

dont j'étais éloigné de plusieurs lieues et que je n'avais plus revus<br />

depuis longtemps. Je savais que mon silence les inquiétait et je me<br />

souvenais très bien des paroles de mon père.<br />

– Je sais que tant que tu seras content de toi, nous aurons ton<br />

affection et que tu nous donneras régulièrement de tes nouvelles.<br />

Mais pardonne-moi de te dire que je considérerai toute<br />

interruption de ta correspondance comme une preuve de<br />

négligence de tous tes autres devoirs.<br />

J'étais donc parfaitement conscient des sentiments de mon<br />

père mais je ne parvenais pas à détacher mes pensées de mon<br />

travail qui, même s'il était répugnant, exerçait un irrésistible<br />

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