WALSERSPRACHE - The four main objectives of the Alpine Space ...
WALSERSPRACHE - The four main objectives of the Alpine Space ...
WALSERSPRACHE - The four main objectives of the Alpine Space ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
VERS UNE “LANGUE” DES WALSERS: LA PERSPECTIVE DIACHRONIQUE ET COMPARATIVE<br />
que ce n’est pas la langue qui fait la poésie, mais celle-ci qui fait du dernier<br />
des jargons une grande langue. Quand on a créé de la poésie, celle-ci<br />
demeure telle à toujours, peut importe en quelle langue elle a été exprimée.<br />
L’acte même d’écrire en dialecte est vu comme une aberration: le dialecte<br />
se parle, ne s’écrit point.<br />
Or, ce n’est pas au critique littéraire d’établir qu’est-ce que c’est qu’une<br />
langue et qu’est-ce que c’est qu’un dialecte. Cette tâche revient au linguiste.<br />
Ce dernier ne se lâche de le répéter: du point de vue scientifique<br />
il n’y a aucune différence entre une langue et un dialecte 13 . Au critique<br />
littéraire incombe par contre la tâche formidable, trop souvent ravalée,<br />
d’établir si le langage qui véhicule un message poétique est apte à sa<br />
besogne 14 . Si on se concentrait exclusivement sur cette dernière question,<br />
on parviendrait à la conclusion que le “dialecte” napolitain de Salvatore<br />
Di Giacomo était la langue la plus apte à véhiculer les messages poétiques<br />
créés par ce poète. Ce qu’on demande au critique littéraire ce n’est donc<br />
pas d’établir si ce dialecte pourrait véhiculer des leçons d’économie politique<br />
ou des traités de trigonométrie, mais tout simplement de nous dire<br />
si, par rapport à ce milieu poétique, cette langue n’a moindrement pas<br />
gêné la créativité du poète qui s’en est servi.<br />
Si ce “dialecte” s’est bien acquitté de cette formidable tâche, ce “dialecte”<br />
est, par rapport à cette production poétique, la langue la plus complète, la<br />
plus exquise, la plus riche au monde, puisque aucune autre langue aurait<br />
pu faire autant 15 . Une fois cette certitude acquise, on se concentre sur le message<br />
poétique en soi, en mettant de côté pour toujours la risible question si<br />
c’est un dialecte et ou une langue. Il n’est plus question ni de bienveillance<br />
envers le dialecte, ni de paternalisme envers les dialectophones. Ou c’est de<br />
la poésie, et alors on s’y applique avec le même sérieux avec lequel on s’applique<br />
à l’étude de toute poésie, peut importe en quelle langue elle est<br />
plètement véhiculé le message poétique de l’auteur étudié. D’un côté on demande au critique littéraire<br />
de se connaître très bien en linguistique, puisque cette réponse comporte des connaissances fort<br />
spécialisées, du ressort de la linguistique appliquée, de l’autre on exige qu’il évalue le message poétique<br />
“au degré zéro de l’écriture”, c’est-à-dire avant encore qu’il s’incarne en langue et en écriture.<br />
Si le critique littéraire ne connaît pas parfaitement toutes les potentialités d’une langue poétique (dialecte<br />
ou langue, peu importe, puisque ce qui véhicule un message poétique est écriture, est langue),<br />
qu’il s’abstienne de passer jugement sur une production poétique qu’il n’est pas en mesure de saisir<br />
comme il faut. Le problème de plusieurs critiques littéraires, face à la poésie en dialecte, c’est qu’ils<br />
ne connaissent pas les dialectes et, pire encore, c’est qu’ils ne comprennent pas qu’il faut les étudier<br />
avec le même sérieux et le même acharnement avec lequel on s’adonne à l’étude d’une langue classique,<br />
ancienne ou moderne. Si cela est vrai pour la critique littéraire, il est aussi vrai pour la lexico -<br />
graphie: on ne compile pas plus diligemment et soigneusement le dictionnaire d’une langue nationale,<br />
parce qu’elle est nationale, qu’on compile celui d’une langue régionale parce qu’elle n’est qu’un<br />
122