Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique

DE SCHEPPER DE SCHEPPER
Par atavisme familial, Corneille de Schepper
témoigne d'une bonne connaissance des
problèmes maritimes. Depuis 1544, il est
l'adjoint de l'amiral Maximilien de Bourgogne,
et s'occupe de matières aussi diverses que l'armement
de la flotte de guerre, la surveillance
des côtes et des estuaires, les travaux de fortification
de l'île de Walcheren «qu'est la vraie clef
de tous les pays d'embas», l'inspection des
cargaisons et des équipages, la protection des
« buysses », ces harenguiers péchant en mer du
Nord. Suite à la reprise des hostilités avec la
France en 1551, il supervise l'organisation des
convois maritimes qui assurent le trafic
commercial entre la Péninsule ibérique et les
Pays-Bas. Pour éviter d'être interceptés par la
Marine française, les navires marchands
naviguent sous la protection de bateaux de
guerre. Il est encore chargé de commander
l'escadre qui, au début du mois de juillet 1550,
doit enlever Marie Tudor et l'amener saine et
sauve à Anvers. Les navires mouillent l'ancre au
large de Harwich et de Stansgate tandis qu'un
secrétaire, Jean Dubois, déguisé en marchand de
blé, débarque à Maldon (Essex) pour ramener la
princesse à bord du vaisseau de Corneille de
Schepper. Les hésitations et les atermoiements
de Marie Tudor - qui craint par sa fuite de
perdre tout droit à la succession du trône
d'Angleterre - ne permettent pas la réalisation
du plan d'enlèvement.
Corneille de Schepper est encore associé aux
travaux de creusement du canal de Willebroek
qui doit relier directement Bruxelles au Rupel,
affluent de l'Escaut.
Il meurt à Anvers le 28 mars 1555 (n.st.) et est
inhumé aux côtés de sa première épouse en
l'église paroissiale d'Eke. Son monument
funéraire, détruit par les iconoclastes, sera
rétabli par sa fille Anne en 1588. En 1540,
Corneille avait acquis d'Antoine de Mortaigne
la seigneurie d'Eke, près de Gand. Il y exerçait
des droits de haute, moyenne et basse justice, et
se plaisait à y résider avec sa famille. Il avait
épousé en octobre 1528 Elisabeth (ou Isabelle)
Donche, une veuve «bien dotée» qui lui assure
l'aisance matérielle et lui donne deux enfants,
Anne et Corneille. Selon le secrétaire Nicolas
Olah, le fils de Schepper est tout le portrait de
son père ; il a les cheveux noirs, le caractère gai
et enjoué, la parole facile et agréable. Devenu
veuf le 20 août 1548, Corneille se remarie avec
154
une très jeune veuve, Marguerite Loonis, qui lui
survit plus de quarante ans (elle décède le 8
novembre 1596).
Fervent admirateur d'Erasme, il utilise ses
relations à la cour de Charles Quint pour
défendre l'humaniste hollandais contre ses
détracteurs. Il échange une abondante correspondance
avec son ancien professeur Conrad
Goclenius et avec les humanistes Jean Dantiscus
et Viglius de Zwichem. Il nous a laissé un
journal de ses deux ambassades à Constantinople.
Ce document est intitulé Recueil du
voyage du Sr Cornille Duplex Schepperus, au
grand Turck, descrit par luy mesme. Rédigé en
français, ce journal ne couvre pas toute la
période que durent ses missions diplomatiques
et doit être complété par les deux rapports d'ambassade
rédigés à l'adresse de Ferdinand. On y
trouve d'intéressantes notations sur les us et
coutumes des populations turques. L'auteur se
dit frappé par le faste et le cérémonial
compliqué des audiences impériales et par la
prestance altière de Soliman le Magnifique.
Son activité fébrile et épuisante est sans doute
à l'origine de sa mort prématurée, à l'âge de
cinquante-deux ans. Aux environs de quarante
ans, Corneille de Schepper rêve de se retirer de
la vie publique pour se consacrer à sa famille et
à l'étude des belles-lettres. Dans sa correspondance
privée, ce haut fonctionnaire tient des
propos bien désabusés sur l'ingratitude des
princes, qui exigent un maximum de leurs
agents tant qu'ils sont jeunes et valides, et qui,
pour toute récompense, les abandonnent à leur
sort une fois la vieillesse et la décrépitude
venues. Elisabeth Donche, sa première épouse,
abonde dans le même sens en soulignant que
l'Empereur ne se montre guère généreux quand
il s'agit de récompenser les services rendus par
son mari. Elle se plaint aussi de la fréquence de
ses absences.
Corneille de Schepper avait été créé chevalier
dès 1529 au moins. Christian Π l'avait fait aussi
chevalier de l'Ordre danois de l'Eléphant.
Remarquable polyglotte, de Schepper rédigeait
indifféremment en latin, français, thiois, italien
et espagnol.
Archives départementales du Nord, à Lille : série B.
— Archives générales du Royaume, à Bruxelles :
Papiers d'Etat et de l'Audience et manuscrits divers,
n°181/2.