Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique
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LEGROS LEGROS<br />
Legros éprouve un irrésistible attrait pour les<br />
parlers régionaux et les traditions populaires.<br />
Trois mises en disponibilité (une mission<br />
auprès du Musée <strong>de</strong> la Vie wallonne (1947-<br />
1949), un détachement à l'Université <strong>de</strong> Liège<br />
(1952-1954) et un séjour d'étu<strong>de</strong>s à Lyon,<br />
Strasbourg et Kiisnacht grâce à une bourse <strong>de</strong><br />
l'UNESCO en 1956-1957) vont lui permettre<br />
d'observer les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s spécialistes<br />
étrangers et <strong>de</strong> se consacrer davantage à sa<br />
vocation <strong>de</strong> dialectologue et d'ethnographe. En<br />
raison du maintien <strong>de</strong> son double statut, Elisée<br />
Legros, latiniste rallié à la linguistique romane,<br />
<strong>de</strong>vra néanmoins continuer, pendant près d'un<br />
quart <strong>de</strong> siècle, à assumer, avec l'inconfort qui<br />
en résulte, les fonctions parallèles <strong>de</strong> professeur<br />
d'athénée et <strong>de</strong> chercheur <strong>de</strong> haut niveau.<br />
Ses travaux ont acquis amplitu<strong>de</strong> et sûreté, et<br />
son autorité philologique est reconnue chez nous<br />
comme au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> nos frontières, lorsqu'en<br />
1949, le Musée <strong>de</strong> la Vie wallonne, qu'il sert<br />
<strong>de</strong>puis dix ans déjà en qualité d'attaché, le<br />
désigne à la fois comme directeur-adjoint,<br />
directeur du service <strong>de</strong>s enquêtes et responsable<br />
<strong>de</strong>s publications.<br />
L'Université <strong>de</strong> Liège lui confie, en 1950, la<br />
mission d'ouvrir le nouveau cours libre <strong>de</strong><br />
folklore wallon et folklore comparé, que le<br />
maître <strong>de</strong> conférences marque aussitôt d'une<br />
empreinte éminemment scientifique. L'accession<br />
d'Elisée Legros à une chaire académique ne s'accomplit<br />
cependant que <strong>de</strong> manière tardive. En<br />
avril 1957, alors que le Grand Prix <strong>de</strong> Philologie<br />
du Centenaire <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> Langue et <strong>de</strong><br />
Littérature wallonnes lui est décerné pour sa<br />
production <strong>de</strong>s dix <strong>de</strong>rnières années, il est<br />
nommé chef <strong>de</strong> travaux à l'Institut <strong>de</strong><br />
Dialectologie wallonne, un poste créé à son<br />
intention sur les instances <strong>de</strong> Maurice Delbouille.<br />
Entre-temps, il a fondé, avec Louis Remacle,<br />
Maurice Piron (Université <strong>de</strong> Gand), Albert<br />
Henry (Université libre <strong>de</strong> Bruxelles) et Orner<br />
Jodogne (Université catholique <strong>de</strong> Louvain), le<br />
Centre interuniversitaire <strong>de</strong> Dialectologie<br />
wallonne (1949-1963). Son action en faveur <strong>de</strong><br />
l' Atlas linguistique <strong>de</strong> la Wallonie (ALW), qui a<br />
commencé à paraître en 1953 et dont il assure<br />
bientôt la direction scientifique (1955), s'y<br />
révèle déterminante.<br />
Il est chargé <strong>de</strong> cours associé en 1964 et tout<br />
en poursuivant ses leçons <strong>de</strong> folklore, il supplée<br />
alors son ami Louis Remacle, successeur <strong>de</strong><br />
Jean Haust, pour le cours <strong>de</strong> dialectologie. En<br />
1968, il <strong>de</strong>vient - enfin - professeur associé.<br />
Deux ans plus tard, Elisée Legros s'éteint au<br />
terme d'une longue souffrance. La Société <strong>de</strong><br />
Linguistique romane vient d'honorer du Prix<br />
Dauzat (1969) l'ensemble <strong>de</strong> son œuvre, et<br />
notamment le tome 3 <strong>de</strong> l'ALW consacré aux<br />
Phénomènes atmosphériques et aux Divisions<br />
du temps, ainsi que son ultime ouvrage Sur les<br />
types <strong>de</strong> ruches en Gaule romane et leurs noms.<br />
La disparition prématurée du savant, à l'apogée<br />
d'une vie <strong>de</strong> recherche dont on espérait encore<br />
bien <strong>de</strong>s découvertes, laisse, au sein <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />
romanes et wallonnes, un vi<strong>de</strong> difficile à<br />
combler.<br />
Le long tracé extra-universitaire d'Elisée<br />
Legros et son trop bref parcours facultaire apparaissent<br />
à la fois <strong>de</strong>nses, diversifiés et<br />
personnalisés. La force et l'originalité qui les<br />
animent ne peuvent se mesurer en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong><br />
l'impact qu'exerça sur eux la figure tutélaire <strong>de</strong><br />
Jean Haust. De même souche wallonne<br />
orientale, <strong>de</strong> même formation classique, Elisée<br />
Legros partage avec Haust <strong>de</strong>s affinités <strong>de</strong><br />
caractère si intenses, une communion <strong>de</strong> sentiments<br />
et une connivence d'esprit si profon<strong>de</strong>s<br />
qu'elles font voir en lui le fils spirituel du<br />
«maître <strong>de</strong> la dialectologie wallonne».<br />
L'admiration et l'attachement qui les lient<br />
exhortent l'élève à promouvoir, en 1939, avec<br />
<strong>de</strong>s collègues belges et étrangers <strong>de</strong> renom, <strong>de</strong>s<br />
Mélanges <strong>de</strong> linguistique romane, offerts à l'occasion<br />
<strong>de</strong> l'accession du savant à l'éméritat. A<br />
son décès, en 1946, Haust lègue à son «disciple<br />
préféré», son importante bibliothèque, le<br />
manuscrit du Dictionnaire français-liégeois<br />
qu'il vient d'achever et la documentation <strong>de</strong><br />
l'enquête dialectale accumulée sur le terrain<br />
pour la confection <strong>de</strong> VALW.<br />
Perçu d'emblée comme «l'un <strong>de</strong>s plus sérieux<br />
espoirs <strong>de</strong> l'école liégeoise» (J. Haust), Elisée<br />
Legros s'engage avec ar<strong>de</strong>ur et vénération dans<br />
la perspective que lui ouvre son modèle : celle<br />
<strong>de</strong> la méthodologie et <strong>de</strong> la critique. Les<br />
abondants comptes rendus, notes, rapports<br />
qu'Elisée Legros rédige pour diverses revues<br />
forment souvent, par leur ampleur et par la<br />
qualité <strong>de</strong> leur démarche, <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s références.<br />
Parmi ces discussions formatrices, on épinglera<br />
la réaction sévère, bien que tempérée par la<br />
pression morale, que Legros oppose, dans A<br />
propos <strong>de</strong> la « Toponymie <strong>de</strong> Jalhay » (dans Les<br />
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