Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique

EMPAIN EMPAIN
juillet 1936 lors de l'un de ses sept séjours au
Canada. Alors qu'il a entraîné ses amis à bord de
l'un de ses yachts, un vent violent déstabilise le
bateau, le mettant en péril. Louis Empain fait
alors le vœu de changer radicalement de vie et
de se dépouiller de ses biens si tous en réchappent,
ce serment s'accompagnant de ce qu'il
appellera une révélation divine alors que, scandalisé
par le train de vie mondain de la Curie, il
a abandonné la pratique religieuse traditionnelle
mais a découvert la Bible au hasard d'une
chambre d'un hôtel canadien. Toujours est-il
que, revenu sain et sauf à terre, il fait immédiatement
vendre deux châteaux, cède quelques
mandats d'administrateur à son cousin Edouard,
fils de François Empain, renonce à user de son
titre de baron et décide de consacrer la quotité
disponible de sa fortune à une œuvre, Pro
Juventute, laquelle systématisera et approfondira
ce qu'il a déjà réalisé en faveur de la
jeunesse.
Joignant le geste à la parole, Louis Empain,
président de la Confédération internationale des
Etudiants dès ses vingt et un ans, qui insistait, en
août 1934 lors de la séance inaugurale de son
XVI e congrès, sur la nécessité d'une collaboration
intellectuelle et scientifique au sein de la
jeunesse universitaire ainsi que sur l'importance
de ses activités sportives, encourage financièrement
ces deux aspects de la formation. Ainsi, lui
qui n'a pu mener à bien sa thèse concrétise son
attrait pour la recherche en créant en 1934 le
Prix Scientifique Interfacultaire Louis Empain -
le plus important parmi ceux alors décernés -,
dont la caractéristique est d'être ouvert aux
doctorants des facultés scientifiques de toutes
les universités belges, et ce dans un esprit de
pluralisme déclaré. Louis Empain sera nommé
président d'honneur de l'Union nationale des
Etudiants de Belgique en 1936. Parallèlement à
cet intérêt pour la jeunesse universitaire, il
investit dans l'Institut Sainte-Ode ouvert en mai
1935 et destiné au «relèvement physique, intellectuel
et moral de l'enfance» dans le respect de
la «liberté de convictions politiques et religieuses»
de chacun. Cette école, «sorte de
préventorium pour enfants pré-tuberculeux»
selon les termes d'un journal de l'époque, sera
de fait le premier centre Pro Juventute, établissement
fondé en 1938. Dès 1925, l'émission des
timbres suisses Pro Juventute avait donné à
l'adolescent qu'il était alors l'idée de voir une
pareille œuvre s'ouvrir en Belgique. Observant
qu'il y existait de nombreux organismes s'occupant
de la jeunesse, chacun envisageant un
aspect particulier de son développement, Louis
Empain décidera d'en créer un qui rassemble les
différentes composantes de l'éducation, en y
ajoutant la spécificité de ne faire aucune distinction
quant à la langue, la religion, l'opinion
politique ou philosophique des bénéficiaires.
Grâce à cette optique, il sera proposé à Louis
Empain de présider l'Oeuvre nationale pour
l'Enfance, ce que celui-ci refusera dès qu'il
apprendra que cette fonction doit s'accommoder
d'un «contrôleur» du gouvernement. Pas plus
au Canada qu'en Belgique, l'esprit indépendant
de Louis Empain ne peut supporter un droit de
regard... Les termes utilisés pour l'inauguration
de l'Institut Sainte-Ode sont repris comme
leitmotiv par Pro Juventute, dont l'objet est le
«relèvement physique, moral et intellectuel de
la jeunesse» dans le pluralisme. Le premier
rapport annuel de l'établissement, doté de
septante-cinq millions de francs, affirme : « Nous
voulons pour la Belgique de demain, une
jeunesse saine, instruite de la grandeur de son
rôle futur et apte par ses qualités morales, intellectuelles
et physiques, à remplir ce rôle. Nous
voulons une jeunesse heureuse, confiante dans
son avenir et éprise jusqu'à l'enthousiasme d'un
idéal qui ne laisse de place qu'au bien et au
beau». Dans une interview, Frédéric met den
Ancxt, directeur de Pro Juventute, formule la
question à laquelle l'établissement veut
répondre ; «Voyez ce qu'ont fait les Etats totalitaires.
Il faut admirer les générations pleines de
santé et d'allant, qu'ils ont su former. Ce qu'ont
réalisé la volonté d'un seul et la contrainte de
tous, ne pourrait-on l'obtenir aussi bien dans un
système de liberté et d'initiative privée?». Le
fait que la soirée de gala inaugurale de Pro
Juventute consiste en un débat sur la jeunesse
entre le Ministre d'Etat libéral Albert Devèze, le
ministre socialiste Eugène Soudant et le père
Hénusse, ne dissuadera pas les étudiants
libéraux de l'Université de Liège de dénoncer
l'ambiguïté du projet de l'œuvre : il s'agit
d'améliorer la race, d'édifier l'homme d'élite.
Et tandis que certains journaux soupçonnent
Louis Empain de financer la campagne électorale
rexiste, d'autres s'interrogent sur son
éventuel appui financier à un quotidien pro
gouvernemental. Louis Empain ne dissipe pas
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