Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique
Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique
Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
COURTENS COURTENS<br />
Le caractère officiel <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s inaugurations,<br />
ainsi que les échos réservés dans la<br />
presse à <strong>de</strong> tels événements, font la réputation<br />
d'Alfred Courtens. Dès lors, dans la galerie <strong>de</strong><br />
portraits qu'il exécute au cours <strong>de</strong>s mêmes<br />
années, se côtoient <strong>de</strong>s bâtisseurs d'entreprises,<br />
tels le confectionneur Henri Es<strong>de</strong>rs (ca. 1922,<br />
localisation inconnue) et l'industriel Alphonse<br />
Emsens (ca. 1924, collection privée), <strong>de</strong>s<br />
diplomates actifs, dont le marquis Adacti,<br />
ambassa<strong>de</strong>ur du Japon, (1925, Tokyo, Fondation<br />
Mineichiro Adacti) et <strong>de</strong>s figures discrètes, mais<br />
combien influentes parmi lesquelles, l'intendant<br />
<strong>de</strong> la Liste civile, Jules Ingenbleek (ca. 1920-<br />
1923, collection privée). A la maîtrise du métier,<br />
Alfred Courtens associe dans ces bustes, <strong>de</strong>s<br />
qualités <strong>de</strong> sensibilité humaine à l'égard <strong>de</strong> ses<br />
modèles.<br />
Simultanément, Alfred Courtens accumule<br />
honneurs et charges. Membre associé <strong>de</strong> la<br />
Société nationale <strong>de</strong>s Beaux-Arts à Paris <strong>de</strong>puis<br />
1920, il <strong>de</strong>vient sociétaire <strong>de</strong> cette respectable<br />
association. En 1923, le Musée royal <strong>de</strong>s Beaux-<br />
Arts d'Anvers acquiert La révoltée (1920), une<br />
figure d'expression en marbre. En 1924, Lèda<br />
est achetée par la Ville <strong>de</strong> Liège (Musée d'Art<br />
mo<strong>de</strong>rne et d'Art contemporain). Toujours en<br />
1924, l'artiste fait partie du jury du Salon<br />
quadriennal (Liège) et il reçoit la croix <strong>de</strong><br />
chevalier <strong>de</strong> l'Ordre <strong>de</strong> la Couronne. Dès 1927 il<br />
entame une carrière <strong>de</strong> professeur à l'<strong>Académie</strong><br />
<strong>de</strong> Termon<strong>de</strong> (cours <strong>de</strong> sculpture, 1927-1951).<br />
Entre-temps, la presse spécialisée proche <strong>de</strong>s<br />
milieux officiels, consacre au sculpteur établi,<br />
quelques articles élogieux.<br />
L'orientation prise par la carrière d'Alfred<br />
Courtens, la relation privilégiée qu'entretient<br />
son père avec le couple royal, ainsi que l'appréciation<br />
émanant <strong>de</strong> plusieurs conseillers<br />
proches du roi Albert, pour l'art du sculpteur,<br />
contribuent durant les mêmes années à faire <strong>de</strong><br />
ce <strong>de</strong>rnier un artiste <strong>de</strong> la Cour. Plus précisément,<br />
le royaliste Alfred Courtens œuvrera en<br />
l'honneur <strong>de</strong> la dynastie, comprise comme<br />
garante <strong>de</strong> l'Etat belge tel qu'il a été constitué<br />
en 1830 et tel qu'il est mis en cause <strong>de</strong>puis que<br />
le mouvement flamand a dépassé le cadre <strong>de</strong>s<br />
revendications d'ordre linguistique, que Jules<br />
Destrée, un <strong>de</strong>s pères du mouvement wallon, a<br />
adressé sa Lettre au Roi en 1912 et que la presse<br />
socialiste a publié le Compromis <strong>de</strong>s Belges, en<br />
mars 1929.<br />
Ainsi, peu <strong>de</strong> jours après l'inauguration du<br />
monument flamand à Dixmu<strong>de</strong>, est dévoilée<br />
dans la même ville, la statue du baron Jacques<br />
(1930) due à Alfred Courtens. Certes, la figure<br />
en bronze campée sur le socle <strong>de</strong> granit<br />
symbolise, sous les traits d'un chef militaire<br />
connu, l'héroïque défense du <strong>de</strong>rnier lambeau<br />
<strong>de</strong> patrie. Toutefois, parmi les figures en pierre<br />
bleue, placées aux quatre coins du socle, se<br />
trouvent un soldat et une femme noire qui serre<br />
une gerbe <strong>de</strong> fleurs contre sa poitrine. Ce rappel<br />
<strong>de</strong>s débuts <strong>de</strong> la carrière du général rattache le<br />
passé <strong>de</strong> la <strong>Belgique</strong> à son présent. Mieux, la<br />
naissance, le même jour, du futur roi Baudouin<br />
associe «naturellement» l'avenir <strong>de</strong> la dynastie<br />
au <strong>de</strong>venir du pays à travers la commémoration<br />
d'une page tragique <strong>de</strong> son passé récent.<br />
Face à un pays dont le caractère unitaire est <strong>de</strong><br />
plus en plus mis en question, la dynastie belge<br />
endossera activement le rôle <strong>de</strong> symbole <strong>de</strong><br />
l'unité du pays. Statufiés entre autres par Alfred<br />
Courtens, les membres <strong>de</strong> la famille <strong>royale</strong> se<br />
dresseront, à travers le pays, au vu <strong>de</strong> tous les<br />
Belges par le biais d'images repères qui<br />
prendront place dans la mémoire collective. Les<br />
rois seront héroïques, les reines humaines. Ainsi à<br />
Osten<strong>de</strong> (1931, digue), Alfred Courtens est<br />
l'auteur d'un Leopold II, magnifique <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong><br />
et <strong>de</strong> détermination. Le Roi Bâtisseur avance face<br />
à la Mer du Nord qui lui doit son urbanisation et<br />
face à la gran<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> là invisible, du Congo,<br />
dixième province <strong>de</strong> <strong>Belgique</strong>. A Bruxelles<br />
(1950, Mont <strong>de</strong>s Arts), le même sculpteur fixe,<br />
dans le bronze, l'image du Roi Chevalier. Tête<br />
nue, Albert I er entre calme, mais décidé, dans<br />
l'Histoire <strong>de</strong> la <strong>Belgique</strong>. A Eis<strong>de</strong>n (1929, parc<br />
public <strong>de</strong>s charbonnages <strong>de</strong> Winterslag), grâce à<br />
une dénivellation intentionnelle, la reine<br />
Elisabeth côtoie les mineurs et leurs familles, au<br />
moment du repos dominical. Enfin, à Courtrai<br />
(1938, parc Reine Astrid), l'altruisme <strong>de</strong> la Reine<br />
Mère a fait place à la spontanéité chaleureuse <strong>de</strong><br />
la reine Astrid. Alors que l'effigie <strong>de</strong> Léopold Π<br />
est également un hommage aux goûts artistiques<br />
bourgeois du <strong>de</strong>uxième roi <strong>de</strong>s Belges, les trois<br />
<strong>de</strong>rnières statues <strong>royale</strong>s s'inscrivent dans le style<br />
<strong>de</strong>s années vingt.<br />
Dans le contexte <strong>de</strong> la crise économique <strong>de</strong>s<br />
années trente, Alfred Courtens exécute pour la<br />
faça<strong>de</strong> du Grand Palais du Heysel une figure<br />
monumentale, La métallurgie, qui, sans que<br />
l'on puisse parler d'assimilation, montre <strong>de</strong>s<br />
89