Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique
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VOUILLEMIN VOUILLEMIN<br />
commodait <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> bonté, <strong>de</strong> compréhension<br />
chaleureuse et <strong>de</strong> curiosité amusée pour ce qui<br />
était neuf et original. Lui qui, par certains côtés,<br />
apparaissait comme un homme du passé, se<br />
tenant à l'écart <strong>de</strong>s courants déterminants <strong>de</strong> la<br />
création contemporaine, il <strong>de</strong>meurait l'esprit<br />
ouvert, comme aux aguets, s'enthousiasmant<br />
lorsqu'une idée, une proposition, une œuvre<br />
nouvelle réussissait à le séduire.<br />
Sa carrière professionnelle et artistique fut<br />
exemplaire. Elle s'appuya sur une soli<strong>de</strong><br />
formation, effectuée patiemment au Conservatoire<br />
royal <strong>de</strong> Bruxelles, sous la direction <strong>de</strong><br />
maîtres renommés : Marcel Maas, pour le<br />
piano; Auguste De Boeck et Fernand Quinet<br />
pour l'harmonie, Raymond Moulaert pour le<br />
contrepoint et Joseph Jongen pour la fugue et la<br />
composition. Le Prix Agniez couronna ses<br />
premiers travaux créatifs et fut suivi, en 1939,<br />
d'une flatteuse distinction - un second prix - à<br />
ce qui était alors le grand concours national <strong>de</strong><br />
composition, dénommé Prix <strong>de</strong> Rome. La même<br />
année, Sylvain Vouillemin participa au<br />
Concours international <strong>de</strong> composition<br />
Guillaume Lekeu, à Liège. Il remporta la plus<br />
haute récompense avec son poème symphonique<br />
L'Eau dont l'intention <strong>de</strong>scriptive répondait en<br />
tous points à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s organisateurs. Il<br />
s'agit d'un vaste triptyque dont les parties<br />
(Marine - Sources, rivières et fleuves - Ville,<br />
souveraineté <strong>de</strong> la nature) s'enchaînent dans une<br />
effervescence orchestrale raffinée et somptueuse.<br />
Le soli<strong>de</strong> métier du compositeur y<br />
apparaît en plénitu<strong>de</strong>, tout autant que se décèlent<br />
<strong>de</strong>s influences diverses, parmi lesquelles, celle<br />
<strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Debussy n'est certes pas la moindre.<br />
L'œuvre témoigne, lors d'épiso<strong>de</strong>s calmes ou<br />
tumultueux et tout au long <strong>de</strong> pages fiévreuses et<br />
inspirées, d'un sens remarquable <strong>de</strong> la construction<br />
que Sylvain Vouillemin a hérité <strong>de</strong> sa longue<br />
pratique <strong>de</strong>s maîtres du passé. Sa palette orchestrale<br />
est généreuse et largement diversifiée.<br />
Durant ses années d'apprentissage, il s'était mis<br />
à l'école <strong>de</strong> nos meilleurs orchestrateurs, Paul<br />
Gilson et Jean Absil, mais très vite il a élargi sa<br />
vision et étudié avec soin les multiples exemples<br />
fournis par ce que l'on a appelé l'école impressionniste.<br />
Certains passages <strong>de</strong> son triptyque<br />
semblent d'ailleurs proches <strong>de</strong> la démarche<br />
<strong>de</strong>bussyste. Un matériel thématique abondant et<br />
diversifié caractérise l'ouvrage. L'auteur le<br />
développe avec art, selon une mobilité rythmique<br />
qui, à certains moments, fait un usage modéré <strong>de</strong><br />
la polyrythmie. La clarté, la transparence <strong>de</strong>s<br />
timbres alternent avec <strong>de</strong>s couleurs plus vives qui<br />
intensifient la vigueur, voire la véhémence du<br />
discours. La fin <strong>de</strong> l'œuvre illustre <strong>de</strong> manière<br />
éloquente et avec une remarquable économie <strong>de</strong><br />
moyens, cette subtile adéquation <strong>de</strong> la technique<br />
orchestrale aux exigences <strong>de</strong>scriptives <strong>de</strong><br />
l'ouvrage. Après <strong>de</strong> somptueux développements<br />
lyriques, le tissu symphonique se dilue peu à peu,<br />
s'épure et se disloque pour faire apparaître,<br />
comme en transparence, les calmes flux et reflux<br />
d'un doux bercement <strong>de</strong>s eaux.<br />
Les années <strong>de</strong> jeunesse <strong>de</strong> Sylvain Vouillemin<br />
avaient été fécon<strong>de</strong>s en créations et en succès.<br />
Ses trois Mouvements symphoniques pour<br />
grand orchestre remportèrent en 1946, le Prix<br />
César Franck. Suivirent diverses autres productions<br />
dont les Airs <strong>de</strong> chez nous pour chœur et<br />
orchestre, inspirés <strong>de</strong> chants populaires <strong>de</strong> nos<br />
régions, un quatuor à cor<strong>de</strong>s, diverses pièces<br />
instrumentales, notamment pour le piano, et une<br />
sonate pour cor et piano.<br />
Cependant, l'insertion <strong>de</strong> notre musicien dans<br />
la vie professionnelle et plus particulièrement<br />
dans l'enseignement allait sensiblement ralentir<br />
le rythme <strong>de</strong> sa production. Sylvain Vouillemin<br />
s'est, en effet, impliqué avec conviction et<br />
enthousiasme dans les responsabilités pédagogiques<br />
qui lui furent progressivement confiées.<br />
Après avoir été l'assistant <strong>de</strong> son professeur <strong>de</strong><br />
piano, Marcel Maas, une classe d'harmonie lui<br />
fut attribuée au Conservatoire <strong>de</strong> Bruxelles,<br />
parallèlement à sa désignation <strong>de</strong> directeur du<br />
Conservatoire <strong>de</strong> Charleroi, sa ville natale. Dans<br />
cette double fonction, Sylvain Vouillemin allait<br />
rapi<strong>de</strong>ment acquérir une notoriété remarquable.<br />
Ses cours d'écriture se distinguaient, non pas<br />
tant par la rigueur et la discipline qui y étaient<br />
effectivement <strong>de</strong> mise, que par la créativité<br />
qu'ils suscitaient auprès <strong>de</strong>s étudiants. De l'harmonie,<br />
Sylvain Vouillemin avait une conception<br />
ouverte et vivante. Les exercices proposés par<br />
lui constituaient autant d'occasions <strong>de</strong> parfaire<br />
les connaissances <strong>de</strong> l'élève, d'étudier les styles,<br />
<strong>de</strong> diversifier la technique, <strong>de</strong> développer le sens<br />
critique et les capacités d'invention, d'adapter le<br />
langage aux exigences <strong>de</strong>s données. Le professeur<br />
écrivait lui-même <strong>de</strong>s «basses» et <strong>de</strong>s<br />
«sopranos» qui, par leur mo<strong>de</strong>rnité et leurs<br />
caractères variés, tranchaient sur les épreuves<br />
traditionnelles.<br />
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