Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique

HARROY HARROY
En 1937, avec son épouse, il se rendit en
mission au Congo, mission passionnante, sans
doute, mais épuisante : réorganisation des structures
du Parc national Albert, journées
d'inspection, ascension des montagnes et
volcans du Parc. Il revint en Belgique en mars
1938 par la vallée du Nil et la Méditerranée.
Après la mise de la Belgique sur «pied de
paix renforcée» de 1938, la mobilisation de
1939, l'invasion de mai 1940, ce fut le repli vers
Sainte-Adresse et ensuite Poitiers et Frontenac,
près de Bordeaux. Jean-Paul Harroy regagna
finalement la Belgique en septembre 1940 et y
reprit ses fonctions à l'Institut des Parcs
nationaux du Congo belge. Le travail y consistait
essentiellement alors dans le tri, la
préparation et l'envoi aux spécialistes des abondantes
récoltes ramenées des Parcs, également la
préparation, très soigneuse, des éditions de
l'Institut.
En fait, vu l'interruption des relations avec la
Colonie, ces tâches n'employaient pas à temps
plein le grand travailleur qu'était Jean-Paul
Harroy. Il put donc mettre à profit son temps
libre pour rédiger une importante thèse de
doctorat en sciences coloniales. Cet ouvrage
intitulé Afrique, terre qui meurt parut en
décembre 1944, avec en sous-titre La dégradation
des sols africains sous l'influence de la
colonisation. Ce libellé accusateur valut au livre
d'être promptement traduit en russe. Afrique,
terre qui meurt est un cri d'alarme prophétique,
à l'origine, comme The Plundered Planet de
Fairfield Osborne (1948) et The Silent Spring de
Rachel Carson (1963), d'une prise de
conscience écologique qu'allaient bientôt
aviver, dans l'opinion, les premières atteintes
dramatiques à l'environnement, telles que -
chacune dans son domaine - le naufrage du
Torrey Canyon, la catastrophe de Seveso et celle
de Tchernobyl.
C'est en économiste que Jean-Paul Harroy
allait, tout au long de ses carrières de conservateur
de la nature, de gouverneur, de professeur,
répéter inlassablement que l'homme, en transformant
la planète pour assurer ses productions,
son habitat, ses activités, ne s'est pas contenté de
la mettre en valeur par une sage exploitation de
ses ressources, mais qu'au contraire, il a mésusé
de celles-ci, provoquant ainsi l'érosion et la
dégradation des terres, opérant des prélèvements
abusifs et non soutenables sur le capital Nature,
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rompant les équilibres de la biosphère et empoisonnant
par l'intensification de ses activités
industrielles et l'accumulation de leurs déchets,
son propre milieu et ses propres aliments.
Afrique, terre qui meurt, suivi par un article
Coloniser η 'est pas piller et une plaquette reproduisant,
sous le titre Protégeons la Nature, elle
nous le rendra, quatre conférences données à
l'Université coloniale d'Anvers, détermina de
façon décisive la carrière de Jean-Paul Harroy et
lui ouvrit la porte des organisations internationales
de protection de la Nature. Après une
nouvelle année passée au Congo en qualité de
conservateur du Parc national de la Garamba,
dans l'Uele, il fut, dès 1948, désigné comme
président de la section Conservation des Sols du
Congrès mondial de la Science du Sol à
Amsterdam, et la même année, nommé à l'unanimité
secrétaire général de l'Union internationale
pour la Protection de la Nature (UIPN),
le jour même de sa création.
Autre fait important : les tractations préparatoires
à la création de l'Institut pour la Recherche
scientifique en Afrique centrale (IRSAC). A
l'initiative du ministre des Colonies, l'IRSAC fut
créé par arrêté royal du 1 er juillet 1947 et la
même année, à l'occasion de la visite d'une
mission sénatoriale à la Station de domestication
des éléphants de Gangala na Bodio et au Parc de
la Garamba, le sénateur Edgar De Bruyne
demanda confidentiellement à Jean-Paul Harroy
s'il accepterait éventuellement de devenir le
secrétaire général de l'Institut en formation, dont
lui-même allait devenir président. Y ayant été
effectivement nommé, Harroy accomplit au siège
métropolitain de l'IRSAC un immense travail
d'organisation de son administration, des
séances de son conseil, du comité de direction,
des nombreuses commissions et sections scientifiques,
cependant qu'en Afrique, sous la
direction éclairée de Louis van den Berghe,
s'édifiaient la splendide Station centrale de
Lwiro, au Kivu, et les quatre centres d'Uvira, de
Mabali, d'Elisabethville et d'Astrida. Dès 1949,
puis une nouvelle fois en 1950, à l'occasion du
cinquantenaire du Comité spécial du Katanga, et
encore en 1953, Jean-Paul Harroy visita les
stations de l'IRSAC, cet Institut qui apporta,
parallèlement à l'Institut national pour l'Etude
agronomique du Congo et comme celui-ci, une
contribution exceptionnelle à la connaissance
scientifique de l'Afrique centrale.