Nouvelle Biographie Nationale - Académie royale de Belgique

GUISLAIN GUISLAIN
deux cités étaient particulièrement vivaces et
féconds. La nostalgie de ces années de jeunesse,
durant lesquelles sa sensibilité faite à la fois de
sérieux et de fantaisie, se forma à l'école des
écrivains symbolistes, spécialement de Jules
Laforgue, demeurera toujours sous-jacente chez
le futur essayiste.
Après ses humanités gréco-latines terminées
en 1909, Guislain s'inscrit à la Faculté de Droit
de l'Université libre de Bruxelles, qui gîtait
encore dans les bâtiments vétustés de la rue des
Sols. Parallèlement à la formation de juriste que
lui dispensent les Georges Cornil, Eugène
Hanssens, Adolphe Prins, Jean Servais, Maurice
Vauthier, il s'initie à la pensée de Nietzsche
comme à l'esthétisme de Bergson sous la
houlette du professeur Georges Dwelshauvers.
Réflexion philosophique nourrie aussi des
discussions agitées dans des «soupentes littéraires»
qu'il fréquente avec des amis qui
partagent son goût pour les idées, les lettres et
les arts: Albert Chômé, René Golstein, Raoul
Ruttiens, Marcel Vauthier, Henry Wagener
(futur Henry Soumagne). Collaborant à de
petites revues littéraires comme la Belgique
Française dont il est cofondateur, Guislain
dirige L'Echo des étudiants. Il est inscrit au
Cercle des étudiants libéraux.
Promu docteur en droit en juillet 1914,
exempté du service des armes pour raisons
médicales, il passera les quatre années de guerre
dans la capitale sous occupation allemande. Le
développement de sa pensée humaniste et
européenne, comme de ses préoccupations
sociales qui l'amèneront, en 1920, à s'inscrire
au Parti ouvrier belge, subit alors l'influence des
idées pacifistes de Tolstoï, d'Edmond Picard et
de Romain Rolland. Dès cette époque, son
«socialisme sentimental» s'avère plus proche
de Proudhon que de Marx et surtout de Lénine.
Inscrit au Tableau de l'Ordre des avocats le 5
octobre 1917, Guislain entame sa carrière de
brillant plaideur qui lui vaudra, dès 1922, de
prononcer le discours de rentrée du Jeune
Barreau, puis d'être élu, onze ans plus tard,
membre du Conseil de l'Ordre. En 1936, il
succède à Joseph Pholien dans la charge
d'avocat du ministère des Travaux publics. Il
remplira aussi cette fonction, jusqu'à la fin de sa
vie, auprès des Comités d'acquisition de Mons
et de Charleroi, relevant du ministère des
Finances.
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Après la Libération de 1944, auréolé par la
défense qu'il avait assurée comme avocat de
gauche, partisan d'une justice stricte mais non
expéditive, dans plusieurs grands procès de
l'épuration mettant en cause des collaborateurs
intellectuels comme l'écrivain Robert Poulet ou
le caricaturiste Paul Jamin («Jam»), il devra
faire obstacle aux vœux de ses confrères pour
n'être point porté au bâtonnat dont il jugeait la
lourde charge incompatible avec les autres
activités qu'il menait de front avec sa profession.
Engagé, durant les années vingt, dans la
propagande du Parti ouvrier, Guislain avait
donné des chroniques, surtout littéraires et artistiques,
à L'Esprit civique de Henri Rolin, au
Journal de Charleroi, au Peuple, et noué une
solide amitié avec Paul-Henri Spaak, son cadet
de neuf ans, pour lors admirateur de la
Révolution bolchevique répudiée par son aîné
qui deviendra son conseiller juridique et souvent
son confident. Ainsi accompagnera-t-il Spaak à
Poitiers pendant l'exode de 1940 et sera-t-il
encore à ses côtés à Moscou, en 1956, au
moment de la révolte hongroise. D'autre part,
vers 1922, Guislain avait fait la connaissance de
Jules Destrée qui, s'étant fixé à Bruxelles, le prit
comme collaborateur dans son cabinet d'avocat
durant une dizaine d'années. En 1928, Destrée
l'avait invité, sans succès, à entamer une carrière
politique aux côtés de ses amis Spaak et Georges
Bohy. Du moins l'ancien ministre des Sciences
et des Arts put-il aiguiller son protégé vers ce
qui allait devenir sa spécialité professionnelle, le
droit d'auteur, en le chargeant de le remplacer
dans des assises internationales comme l'Institut
de Coopération intellectuelle de la Société des
Nations à Genève.
Des consécrations officielles allaient rapidement
jalonner cette carrière de juriste. Jusqu'à sa
mort, Guislain exercera plusieurs présidences ou
vice-présidences d'organismes, tant belges
qu'internationaux pour la défense du droit
d'auteur, à une époque cruciale où il s'agissait
de jeter des ponts entre les législations divergentes
adoptées par les pays en cette matière
depuis la seconde moitié du XIX e siècle, et d'y
intégrer la protection des œuvres issues des
nouvelles techniques de communication.
Guislain y apportera l'expérience acquise par sa
fréquentation des écrivains et des artistes, mais
aussi des architectes, compositeurs, cinéastes,