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Le seigneur Abriel, Précepteur <strong>des</strong> chevaliers cyriniques d’Arcie, se tenait devant la fenêtre du cabinet<br />
vert de Vanion, et contemplait la ville de Cimmura. Il avait la soixantaine et les cheveux argentés. Son<br />
visage ridé semblait dépourvu d’humour et ses yeux étaient enfoncés dans leurs orbites. Il avait ôté son<br />
épée et son casque à l’arrivée, mais il portait toujours le reste de son armure et son surcot bleu pâle.<br />
Comme il était le plus âgé <strong>des</strong> Précepteurs, les autres s’inclinaient devant lui.<br />
— Je suis sûr que nous avons tous compris l’essentiel de ce qui s’est passé ici, commença-t-il, mais<br />
certains détails nécessitent une clarification, je crois. Voudrais-tu bien que nous vous posions quelques<br />
questions, Vanion ?<br />
— Bien entendu. Nous ferons tous de notre mieux pour y répondre.<br />
— Parfait. Nous avons eu quelques différends, dans le passé, monseigneur, mais, dans ces<br />
circonstances, nous devons les mettre de côté. (Abriel, comme tous les Cyriniques, parlait de manière<br />
réfléchie, voire cérémonieuse.) Je pense qu’il faut que nous en sachions davantage sur ce Martel.<br />
Vanion se carra dans son fauteuil.<br />
— C’était un pandion, répondit-il avec une trace de tristesse dans la voix. J’ai été forcé de le chasser<br />
de notre ordre.<br />
— C’est un peu bref, Vanion, signala Komier.<br />
À la différence <strong>des</strong> autres, Komier portait une cotte de mailles au lieu de l’armure de cérémonie.<br />
C’était un homme fortement charpenté, aux épaules épaisses et aux mains massives. Comme la plupart <strong>des</strong><br />
Thalésiens, le Précepteur <strong>des</strong> chevaliers génidiens était blond et ses sourcils hirsutes donnaient à son<br />
visage un aspect presque brutal. En parlant, il jouait continuellement avec la garde de son sabre, qui<br />
reposait sur la table devant lui.<br />
— Si ce Martel doit nous poser <strong>des</strong> problèmes, nous devrions tous en savoir le maximum sur lui.<br />
— Martel était l’un <strong>des</strong> meilleurs, lui répondit Séphrénia d’une voix posée. (Elle était assise devant<br />
le feu dans sa robe blanche à capuche et tenait sa tasse de thé à la main.) Il était versé dans tous les<br />
secrets. C’est là, je crois, ce qui a causé sa disgrâce.<br />
— Il maniait fort bien la lance, admit lugubrement Kalten. Il me désarçonnait régulièrement à<br />
l’entraînement. Émouchet était le seul de son niveau.<br />
— Quelle fut exactement cette disgrâce, Séphrénia ? demanda le seigneur Darellon.<br />
Le Précepteur <strong>des</strong> chevaliers alcions de Deira était un homme mince de près de cinquante ans. Sa<br />
massive armure deirane paraissait presque trop lourde pour sa charpente légère.<br />
Séphrénia poussa un soupir.<br />
— Les secrets de Styricum sont légion, répondit-elle. Certains sont assez simples… <strong>des</strong><br />
enchantements et <strong>des</strong> incantations courants. Martel les a maîtrisés très vite. Mais au-delà de la magie<br />
courante s’étend un domaine profond, plus dangereux. Ceux d’entre nous qui enseignent les secrets aux<br />
chevaliers de l’Église n’introduisent pas leurs élèves à ce niveau de la magie. Il n’a aucun but pratique et<br />
implique <strong>des</strong> connaissances qui mettent en péril l’âme <strong>des</strong> Élènes.<br />
Komier éclata de rire.<br />
— Bien <strong>des</strong> choses mettent en péril l’âme <strong>des</strong> élènes madame. <strong>La</strong> mienne a ressenti une violente<br />
douleur là première fois que je suis entré en contact avec les Dieux Trolls. Je suppose que votre Martel<br />
s’est mêlé de connaissances qu’il aurait dû laisser de côté ?<br />
Séphrénia poussa un nouveau soupir.<br />
— Oui, admit-elle. Il est venu me voir pour me demander de l’initier aux secrets interdits. Il était très<br />
insistant. C’est l’une de ses caractéristiques. J’ai refusé, naturellement, mais il existe <strong>des</strong> Styriques<br />
renégats, de même qu’il existe <strong>des</strong> pandions renégats. Martel était d’une famille fortunée et pouvait payer