La trilogie des Joya..

— Ils reçoivent des instructions, je crois. Les Zémochs ne sont pas venus ici pour apprendre, mais
pour instruire. Ceci est grave, Émouchet… plus mortellement grave que tu ne pourrais l’imaginer.
— Que faisons-nous ?
Une nouvelle fois, Émouchet ressentit un poids à la base du crâne, puis un picotement brûlant qui
sembla lui traverser toutes les veines.
— Azash a répondu à l’invocation, dit tranquillement Séphrénia. Il est très important de rester
immobiles, à présent, et de garder notre esprit à l’état neutre. Azash perçoit toute hostilité dirigée contre
lui.
— Pourquoi des Élènes participeraient-ils aux rites d’Azash ?
— Probablement pour être récompensés de leur adoration. Les Dieux Aînés ont toujours été des plus
généreux dans leurs récompenses… quand il leur convient de les distribuer.
— Quelle récompense pourrait bien compenser la perte de son âme ?
Elle haussa les épaules, mouvement à peine perceptible dans les ténèbres qui tombaient.
— La longévité, peut-être. La richesse, le pouvoir… et, pour une femme, la beauté. Ce pourraient
même être d’autres choses… auxquelles je me refuse à penser. Azash est pervers et pervertit rapidement
ceux qui l’adorent.
Dans la rue, un ouvrier avec une torche avançait en faisant grincer une charrette à bras sur les pavés.
Il prit une torche éteinte dans la charrette, l’inséra dans un anneau en fer scellé dans la façade de la
boutique et l’alluma. Puis il reprit bruyamment son chemin.
— Parfait, murmura Séphrénia. À présent, nous pourrons les voir sortir.
— Nous les avons déjà vus.
— Ils seront différents, je le crains.
Les portes de la maison styrique s’ouvrirent et le Cammorien en robe de soie apparut. Quand il passa
dans le cercle de lumière projeté par la torche, Émouchet vit que son visage était très pâle et ses yeux
élargis par l’horreur.
— Celui-ci ne reviendra pas, dit paisiblement Séphrénia. Il est très probable qu’il passe le restant de
sa vie à essayer d’expier sa tentative de plongée dans les ténèbres.
Quelques minutes plus tard, le Lamork botté sortait dans la rue. Ses yeux brillaient, son visage était
tordu en une expression de cruauté brutale. Ses arbalétriers impassibles marchaient derrière lui.
— Perdu, soupira Séphrénia.
— Quoi ?
— Le Lamork est perdu. Azash le tient.
Puis la dame pélosienne apparut. Le devant de sa robe pourpre était nonchalamment ouvert et elle ne
portait rien en dessous. Quand elle passa dans la lumière, Émouchet vit qu’elle avait les yeux vitreux et
que son corps dénudé était éclaboussé de sang. Son serviteur imposant s’efforçait de refermer le devant
de sa robe, mais elle lui adressa un sifflement en repoussant sa main et elle continua de marcher sans
pudeur en affichant son corps.
— Quant à celle-ci, elle est plus que perdue. Elle sera désormais dangereuse. Azash lui a accordé des
pouvoirs. (Elle fronça les sourcils.) Je suis tentée de suggérer que nous la suivions et la tuions.
— Je ne sais si je pourrais tuer une femme, Séphrénia.
— Ce n’est plus une femme… mais, comme nous devrions la décapiter, cela risquerait de causer une
certaine indignation à Chyrellos.
— Que faudrait-il faire ? faillit-il s’exclamer.
— La décapiter. C’est la seule façon d’être sûr qu’elle est vraiment morte. Je pense que nous en
avons vu assez, Émouchet. Retournons au chapitre et parlons avec Nashan. Demain, nous devrions
rapporter ceci à Dolmant. L’Église a des moyens pour régler ce genre de problèmes.
Elle se leva.