La trilogie des Joya..

— Parle pour toi, Makova, dit un gros homme à l’air jovial placé sur le gradin de droite. Les ordres
combattants sont le bras de l’Église et leurs membres sont toujours les bienvenus lors de nos
délibérations.
Les deux hommes se foudroyèrent du regard.
— Comme sire Émouchet a contribué à dévoiler puis à déjouer ce complot, dit Dolmant d’une voix
douce, j’ai pensé que son témoignage pouvait s’avérer édifiant.
— Oh, vas-y, dit le patriarche émacié d’une voix irritée. Nous avons des questions de plus grande
importance à examiner ce matin.
— Comme le voudra l’estimé patriarche de Coumbe. (Dolmant s’inclina.) Sire Émouchet, fit-il alors,
donnez-vous votre parole de chevalier de l’Église que votre témoignage sera fidèle ?
— Oui, Votre Grâce, affirma Émouchet.
— Veuillez donc indiquer à cette assemblée de quelle manière vous avez mis au jour ce complot.
— Bien entendu, Votre Grâce.
Émouchet narra la majeure partie de la conversation entre Harparine et Krager en omettant leurs
noms, le nom du primat Annias et toute allusion à Ehlana.
— Avez-vous pour coutume d’écouter indiscrètement les conversations, sire Émouchet ? demanda
Makova avec un certain mépris.
— Lorsque cela implique la sécurité de l’Église ou de l’État, oui, Votre Grâce. J’ai fait serment de
les défendre tous deux.
— Ah, oui. J’oubliais que vous êtes aussi le Champion de la reine d’Élénie. Cela ne cause-t-il jamais
de conflits d’intérêts, sire Émouchet ?
— Cela ne s’est encore jamais produit, Votre Grâce. Les intérêts de l’Église et de l’État sont
rarement opposés, en Élénie.
— Bien dit, sire Émouchet, approuva le gros ecclésiastique à droite.
Le patriarche de Coumbe se pencha et chuchota quelque chose à l’homme au teint brouillé assis
derrière lui.
— Qu’avez-vous fait après avoir surpris cette conspiration, sire Émouchet ? lui demanda Dolmant.
— Nous avons rassemblé nos forces et chevauché en Arcie pour intercepter les hommes qui devaient
livrer l’attaque.
— Et pourquoi n’avez-vous pas averti le primat de Cimmura de cette prétendue conspiration ?
demanda Makova.
— Le complot prévoyait une attaque contre une maison d’Arcie, Votre Grâce, répondit Émouchet. Le
primat de Cimmura n’y a aucune autorité et l’affaire ne le concernait point.
— Non plus que les pandions, je suppose. Pourquoi ne pas avoir alerté les chevaliers cyriniques pour
qu’ils se chargent de la chose ?
Makova regarda autour de lui d’un air content de soi, comme s’il venait de marquer un point décisif.
— C’est notre ordre que ce complot visait à discréditer Votre Grâce. Nous avons estimé que cela
nous donnait une raison suffisante pour nous occuper personnellement de l’affaire. D’ailleurs, les
cyriniques ont leurs propres soucis et nous ne voulions point les déranger pour une question aussi
mineure.
Makova émit un grognement revêche.
— Que s’est-il passé ensuite, sire Émouchet ? demanda Dolmant.
— Tout s’est déroulé plus ou moins comme prévu, Votre Grâce. Nous avons averti le comte Radun,
puis, quand les mercenaires sont arrivés, nous les avons attaqués par-derrière. Rares sont ceux qui ont pu
s’échapper.
— Vous les avez attaqués par-derrière sans crier gare ? (Le patriarche Makova paraissait indigné.)
Est-ce là l’héroïsme tant vanté des pandions ?