La trilogie des Joya..

Le gamin crasseux, Talen, fit une grimace.
— Ne jamais essayer de piocher dans une poche quand on frissonne, dit-il. (Il épongea la pluie qui
avait mouillé son visage.) La matinée est vraiment sinistre, là dehors.
— Tu cherchais quelque chose de particulier dans mes poches ?
— Non, pas vraiment… je m’intéresse un peu à tout.
— Ça ne te ferait rien de me rendre la bague de mon ami ?
— Oh, je suppose que non. De toute façon, je ne l’avais prise que pour m’exercer. (Talen plongea la
main à l’intérieur de sa tunique humide et fit apparaître la bague de Kalten.) J’ai nettoyé le sang, dit-il en
l’admirant.
— Il t’en saura gré.
— Oh, au fait, j’ai trouvé le type que vous cherchiez.
— Krager ? Où ?
— Il réside dans un bordel de la rue des Lions.
— Un bordel ?
— Peut-être a-t-il besoin d’affection.
Émouchet s’assit. Il caressa sa barbe en crin de cheval pour s’assurer qu’elle n’avait pas bougé.
— Allons parler à Platime.
— Tu veux que je réveille ton ami ?
— Laisse-le dormir. Je ne tiens pas à ce qu’il sorte sous la pluie dans l’état où il est.
Platime ronflait dans son fauteuil, mais ses yeux s’ouvrirent instantanément quand Talen lui toucha
l’épaule.
— Le gamin a retrouvé Krager, lui annonça Émouchet.
— Tu vas aller le chercher, je suppose ?
Émouchet acquiesça.
— Tu penses que les soldats du primat vous recherchent toujours ?
— Probablement.
— Et ils savent à quoi tu ressembles ?
— Oui.
— Alors, tu n’iras pas loin.
— Je tenterai ma chance.
— Platime, dit Talen.
— Quoi ?
— Tu te rappelles le jour où nous avons dû sortir la Belette de la ville à toute allure ?
Platime poussa un grognement, se grattant la panse et considérant Émouchet d’un air méditatif.
— Tu es très attaché à cette barbe ?
— Pas trop. Pourquoi ?
— Si tu es prêt à la raser, tu peux circuler dans Cimmura sans te faire reconnaître. Je connais un
moyen.
Émouchet se mit à arracher des bouts de fausse barbe. Platime éclata de rire.
— Tu n’es vraiment pas beaucoup attaché à cette barbe, hein ? (Il regarda Talen.) Sors ce qu’il faut
de la caisse.
Talen alla jusqu’à un gros coffre au coin de la cave et se mit à fouiller dedans tandis qu’Émouchet
finissait d’ôter sa barbe. Le gamin revint avec une cape dépenaillée et une paire de chaussures qui
ressemblaient plutôt à des sacs en cuir pourri.
— Qu’est-ce que tu peux encore enlever à ton visage ? demanda Platime.
Émouchet prit la cape des mains de Talen et versa un peu de vin sur un coin de l’étoffe. Puis il se
frotta vigoureusement le visage pour ôter le reste de la colle de Séphrénia et la cicatrice violette.