La trilogie des Joya..

econnaît pas le nom de Mahkra ? Si je me souviens bien, tu étais à Djiroch et lui à Dabour.
— Il se peut qu’il ne reconnaisse pas le nom que j’utilise en Rendor, mais il ne sera pas dérouté par
le tien. C’est un très vieux mot de passe. Les pandions l’utilisent depuis des années.
Elle cligna les yeux.
— Je suis vraiment flattée, mais pourquoi ne m’en a-t-on jamais parlé ?
Émouchet se tourna vers elle, un peu surpris.
— Nous pensions que tu étais au courant.
Il fallut peu de temps avant qu’Ulésim revienne dans la tente, escortant un homme mince et taciturne
en robe rayée. Les manières du disciple étaient devenues obséquieuses et il affichait une expression
inquiète.
— Voici l’individu dont je vous parlais, honorable Mirrelek, fit-il sur un ton flagorneur.
— Ah, Mahkra, dit l’homme mince en s’avançant pour prendre chaleureusement la main d’Émouchet.
Quel plaisir de te revoir. Y aurait-il un problème, ici ?
— Simple méprise, Mirrelek, répondit Émouchet en s’inclinant légèrement devant son confrère.
— Eh bien, tout est réglé, à présent. (Sire Perraine se tourna vers le disciple favori.) N’est-ce pas,
Ulésim ?
— B… bien entendu, honorable Mirrelek, bégaya Ulésim, tout pâle.
— Qu’est-ce qui a bien pu te prendre de retenir ainsi mes amis ?
Le ton de Perraine était doux avec une nuance d’aigreur.
— J… j’essaie simplement de protéger le bienheureux Arasham.
— Aurait-il demandé ta protection ?
— Eh bien… pas dans ces termes précis.
— Je vois. Tu fais preuve d’une grande bravoure, Ulésim. Tu sais assurément ce qu’éprouve le
bienheureux Arasham envers ceux qui agissent indépendamment de ses instructions ? Nombreux sont ceux
qui ont perdu leur tête en agissant de leur propre chef.
Ulésim se mit à trembler violemment.
— Mais je suis sûr qu’il te pardonnera quand je lui relaterai cet incident. Un autre que toi serait
envoyé immédiatement sur le bûcher, mais, après tout, tu es son disciple favori, n’est-ce pas ? Autre
chose, Ulésim ?
Muet et cireux, Ulésim secoua la tête.
— Mes amis et moi allons donc partir. Tu viens, Mahkra ?
Sire Perraine les conduisit hors de la tente.
Comme ils traversaient la ville de toile poussée autour de Dabour, Perraine leur expliqua que la chute
du marché des bovins était grave. Les tentes avaient apparemment été plantées au petit bonheur et il
n’existait rien qui ressemblât à une rue. Des hordes d’enfants sales jouaient en courant dans le sable et
des chiens tristes se levaient à côté de chaque tente pour lancer quelques aboiements avant de s’affaler à
nouveau dans l’ombre.
La demeure de Perraine était un édifice cubique qui se dressait au centre d’une étendue d’herbe folle
juste derrière les tentes.
— Entrez, leur dit le chevalier en arrivant à la porte. Je veux en savoir davantage sur votre troupeau.
Ils entrèrent et il referma la porte. À l’intérieur, il faisait sombre et frais. La maison n’avait qu’une
seule pièce avec une cuisine rudimentaire d’un côté et un lit défait de l’autre. Un certain nombre de
grosses jarres poreuses se balançaient aux poutres et les gouttes de condensation formaient des flaques en
tombant sur le sol. Une table et deux bancs trônaient au milieu de la pièce.
— Ma maison n’est pas trop décorée, s’excusa Perraine.
Émouchet considéra d’un air entendu l’unique fenêtre à l’arrière de la maison, dont les volets
semblaient bien peu résistants.