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Épées et lances furent mises de côté et les chevaux de guerre furent attelés aux charrues.<br />
— On ne parle jamais de trucs comme ça dans les récits que j’ai entendus, fit Talen en reniflant.<br />
— Parce que ce ne sont que <strong>des</strong> légen<strong>des</strong>, lui dit Bérit. Je te raconte ce qui s’est réellement passé.<br />
Donc, la guerre et la famine provoquèrent <strong>des</strong> changements importants. Les ordres combattants furent<br />
forcés de travailler dans les champs aux côtés du peuple et ils commencèrent graduellement à prendre<br />
leurs distances par rapport à l’Église. Pardonnez-moi, Votre Grâce, dit-il à Dolmant, mais à l’époque la<br />
Hiérocratie était trop éloignée <strong>des</strong> soucis du peuple pour en comprendre totalement la souffrance.<br />
— Inutile de t’excuser, Bérit, répondit tristement Dolmant. L’Église a aisément reconnu les erreurs<br />
commises au cours de cette période.<br />
Bérit hocha la tête.<br />
— Les chevaliers de l’Église se sécularisèrent petit à petit. À l’origine, la Hiérocratie voulait que les<br />
chevaliers fussent <strong>des</strong> moines armés vivant dans leurs chapitres quand ils ne combattaient pas. Cette idée<br />
finit par s’éteindre. Les terribles pertes subies dans leurs rangs les obligèrent à trouver une nouvelle<br />
source de recrues. Les Précepteurs <strong>des</strong> ordres se rendirent à Chyrellos et présentèrent leur problème à la<br />
Hiérocratie en termes extrêmement fermes. Le point de blocage principal au recrutement avait toujours<br />
été le vœu de célibat. Sur l’insistance <strong>des</strong> Précepteurs, la Hiérocratie supprima cette règle et les<br />
chevaliers de l’Église eurent la permission de prendre femme et d’avoir <strong>des</strong> enfants.<br />
— Tu es marié, Émouchet ? demanda soudain Talen.<br />
— Non.<br />
— Pourquoi ?<br />
— Il n’a pas encore trouvé de femme assez bête pour le garder. (Kalten éclata de rire.) D’abord, il<br />
n’est pas très beau, et ensuite il a un caractère abominable.<br />
Talen considéra Bérit.<br />
— Alors, c’est la fin de l’histoire ? demanda-t-il d’un ton critique. Une bonne histoire doit avoir une<br />
fin… quelque chose du genre : « Et ils vécurent tous heureux à tout jamais. » On dirait que la tienne<br />
s’effiloche sans aller nulle part.<br />
— L’histoire continue, Talen. Les ordres combattants sont aussi impliqués dans les questions<br />
politiques que dans celles de l’Église et nul ne sait ce qui les attend.<br />
Dolmant poussa un soupir.<br />
— Ce n’est que trop vrai, acquiesça-t-il. Je regrette qu’il n’en ait pas été autrement mais Dieu a peutêtre<br />
ses raisons pour avoir ordonné les choses de la sorte.<br />
— Attendez un instant, coupa Talen. Tout ceci a commencé quand tu allais me parler d’Otha et de<br />
Zémoch. J’ai l’impression qu’il a quitté le récit à un moment donné. Pourquoi nous soucions-nous autant<br />
de lui à l’heure actuelle ?<br />
— Otha mobilise à nouveau, dit Émouchet.<br />
— Est-ce que nous réagissons ?<br />
— Nous l’observons. S’il revient, nous l’affronterons comme la première fois. (Émouchet regarda<br />
l’herbe jaune qui luisait au soleil du matin.) Si nous voulons arriver à Chyrellos avant la fin du mois,<br />
nous devrons avancer un peu plus vite, dit-il en touchant <strong>des</strong> éperons les flancs de Faran.<br />
Ils chevauchèrent trois jours, s’arrêtant toutes les nuits dans une nouvelle auberge. Émouchet déguisait<br />
un certain amusement tolérant envers Talen qui, inspiré par les récits de Bérit, décapitait férocement les<br />
chardons avec un bâton. Dans l’après-midi du troisième jour, ils franchirent une colline allongée et<br />
découvrirent à leurs pieds la vaste étendue de Chyrellos, siège de l’Église élène. <strong>La</strong> cité n’appartenait à<br />
aucun royaume, elle était située aux confins de l’Élénie, de l’Arcie, de la Cammorie, du <strong>La</strong>morkand et de<br />
la Pélosie. C’était de loin la plus grande ville de toute l’Éosie. Étant une ville ecclésiastique, elle était<br />
parsemée de flèches et de dômes ; à certaines heures du jour, l’air vibrait du son <strong>des</strong> cloches qui<br />
appelaient les fidèles à la prière. Mais aucune ville aussi importante ne pouvait être entièrement