La trilogie des Joya..

Émouchet acquiesça de la tête.
— Il y a pis : je ne puis vous garantir de pouvoir vous la rendre.
— Je ne suis pas sûr de vous comprendre.
— Bérit va emporter cette chevalière à Cimmura et la poser dans le plateau de quête durant la messe
à la cathédrale. Le primat Annias croira que son complot a réussi et que vous et votre famille avez été
assassinés. Il se précipitera alors à Chyrellos pour porter plainte contre les pandions devant la
Hiérocratie.
Le comte Radun eut un large sourire.
— Vous et moi pourrons alors nous avancer et réfuter cette accusation, exact ?
Émouchet lui répondit par le même sourire.
— C’est cela même.
— Voilà qui risque de causer un certain embarras au primat, commenta le comte en faisant coulisser
la bague sur son doigt.
— C’est plus ou moins mon objectif, monseigneur.
— La perte de la chevalière ne sera donc rien, dit Radun en la tendant à Bérit.
— Parfait, (Émouchet s’adressa au novice.) N’épuise pas tes chevaux en route. Donne-nous le temps
d’arriver à Chyrellos avant Annias. (Il plissa les yeux songeusement.) La messe du matin, je crois.
— Monseigneur ?
— Place la bague du comte dans le plateau de quête durant la messe du matin. Accordons à Annias
toute une journée d’exultation avant son départ pour Chyrellos. Porte des vêtements ordinaires pour entrer
dans la cathédrale et y prier un certain temps… par souci de réalisme. Ne t’approche ni du chapitre ni de
l’auberge de la rue des Roses. (Il considéra le novice avec un nouveau pincement au souvenir de
Parasim.) Je ne puis t’assurer que ta vie ne sera pas en danger, Bérit, dit-il tranquillement, et je ne puis
formuler ceci comme un ordre à exécuter.
— Inutile de me donner un ordre pour ceci, monseigneur Émouchet, répondit Bérit.
— Brave gars. À présent, va chercher ton cheval. Une longue chevauchée t’attend.
Il était presque midi lorsque Émouchet et le comte Radun sortirent du château.
— Combien de temps faudra-t-il avant que le primat Annias arrive à Chyrellos ? demanda le comte.
— Deux semaines au moins. Bérit doit d’abord arriver à Cimmura.
Kurik arrêta son cheval devant eux.
— Tout est prêt, dit-il à Émouchet.
Celui-ci hocha la tête.
— Tu devrais aller chercher Séphrénia.
— Est-ce une bonne idée ? Les événements risquent de se précipiter à Chyrellos.
— Est-ce que tu veux te charger de lui dire qu’elle doit rester ici ?
Kurik grimaça.
— Je vois ce que vous voulez dire.
— Où est Kalten ?
— A la lisière du bois. Je ne sais pourquoi, il a fait un grand feu.
— Peut-être qu’il a froid.
Le soleil hivernal était très brillant dans le ciel bleu quand Émouchet et ses compagnons se mirent en
route.
— Assurément, madame, commenta le comte Radun, l’enfant eût été en sécurité derrière les murailles
de mon château.
— Elle n’y fût point restée, monseigneur, répondit Séphrénia de sa petite voix. (Elle posa la joue
contre les cheveux de Flûte.) D’ailleurs sa présence me réconforte énormément.
Sa voix paraissait un peu affaiblie ; elle était très pâle et fatiguée. Elle portait à la main l’épée de sire