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estime que la lecture risquerait d’interférer avec ses connaissances.<br />
— Une sorcière ? fit le comte en dévisageant la petite femme. Vraiment ?<br />
— Nous employons d’autres termes, répondit-elle avec douceur.<br />
— Je vous en prie, asseyez-vous, dit le comte en désignant une grande table dressée dans une tache<br />
glaciale de soleil hivernal venue d’une fenêtre aux lourds barreaux.<br />
Émouchet ôta son casque et ses gantelets puis les posa sur la table.<br />
— Monseigneur, êtes-vous familiarisé avec le nom d’Annias, primat de Cimmura ?<br />
Le visage du comte se durcit.<br />
— J’en ai entendu parler, répondit-il brièvement.<br />
— Vous connaissez donc sa réputation ?<br />
— Oui.<br />
— Parfait. Tout à fait fortuitement, sire Kalten et moi-même avons mis au jour un complot tramé par<br />
le primat. Fort heureusement, il ignore notre découverte. Avez-vous coutume d’accueillir aussi librement<br />
les chevaliers de l’Église ?<br />
— Bien entendu. Je respecte l’Église et j’honore ses chevaliers.<br />
— Dans quelques jours… une semaine tout au plus… un groupe important d’hommes en armure noire<br />
et portant les étendards <strong>des</strong> chevaliers pandions s’avancera jusqu’à vos portes. Je vous conseille<br />
vivement d’éviter de les laisser entrer.<br />
— Mais…<br />
Émouchet leva la main.<br />
— Ce ne seront point <strong>des</strong> pandions, monseigneur. Ce sont <strong>des</strong> mercenaires aux ordres d’un renégat<br />
nommé Martel. Si vous les introduisez entre vos murs, ils massacreront tout ce qui s’y trouve… à<br />
l’exception d’un ou deux hommes d’Église qui répandront la nouvelle de cet outrage.<br />
— Monstrueux ! souffla le comte. Quelle raison peut avoir le primat de Cimmura pour me vouer une<br />
telle haine ?<br />
— Le complot n’est point dirigé contre vous, comte Radun, lui dit Kalten. Ce massacre est conçu<br />
uniquement pour discréditer les chevaliers pandions. Annias espère que la Hiérocratie de l’Église en sera<br />
exaspérée au point de dissoudre notre ordre.<br />
— Je vais avertir mon neveu à <strong>La</strong>rium, déclara le comte en se dressant. Il pourra lever une armée qui<br />
sera ici dans quelques jours.<br />
— Ce ne sera pas nécessaire, monseigneur, dit Émouchet. J’ai dissimulé dans les bois au nord de<br />
votre château cinq cents pandions armés… authentiques, ceux-ci. Avec votre permission, j’en ferai entrer<br />
chez vous une centaine pour renforcer votre garnison. A l’arrivée <strong>des</strong> mercenaires, trouvez une excuse<br />
quelconque pour leur refuser l’hospitalité.<br />
— Cela ne semblera-t-il pas étrange ? demanda Radun. J’ai une grande réputation d’hospitalité…<br />
envers les chevaliers de l’Église tout particulièrement.<br />
— Le pont-levis, dit Kalten.<br />
— Je vous demande pardon ?<br />
— Dites-leur que le treuil qui sert votre pont-levis est en panne. Ajoutez que <strong>des</strong> ouvriers sont en<br />
train de le réparer et demandez-leur d’être patients.<br />
— Je ne puis mentir, affirma le comte d’un air contraint.<br />
— Ne vous inquiétez pas, monseigneur, lui assura Kalten. Je bloquerai moi-même le treuil et vous<br />
n’aurez pas à mentir.<br />
Le comte le considéra fixement pendant un instant, puis éclata de rire.<br />
— Les mercenaires seront à l’extérieur du château, continua Émouchet, et vos murailles ne leur<br />
laisseront guère de place pour manœuvrer. C’est alors que nous attaquerons.<br />
Kalten arborait un large sourire.