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oyale.<br />
— Eh bien… oui, je suppose que oui, mais le poison n’était pas de la darestime.<br />
— Qu’était-ce donc ?<br />
— Euh… de la porgutta… je crois.<br />
Il mentait manifestement.<br />
— Pourquoi le roi vous a-t-il donc mandé, docteur ? insista-t-elle. Une simple purge lave le corps de<br />
toute la porgutta qu’il contient. Le moindre apprenti médecin sait cela. Assurément, ce ne pouvait être un<br />
poison aussi banal.<br />
— Euh… eh bien, peut-être était-ce autre chose. J’ai oublié ce que c’était exactement.<br />
— Je crois, mon cher frère, dit alors Séphrénia à Émouchet, que le bon docteur a besoin d’être<br />
rassuré… d’avoir la preuve indubitable qu’il peut nous faire confiance et que nous sommes bien ce que<br />
nous prétendons. (Elle regarda le bourdon irritant qui tentait toujours obstinément de passer par la<br />
fenêtre.) Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi on ne voit pas de bourdons la nuit ? demanda-t-elle<br />
au médecin effrayé.<br />
— Je n’y ai jamais réfléchi.<br />
— Vous devriez peut-être le faire.<br />
Elle se mit à murmurer en styrique tandis que ses doigts <strong>des</strong>sinaient les contours d’un enchantement.<br />
— Qu’est-ce que vous faites ? s’exclama Tandjin. Arrêtez !<br />
Il se précipita vers elle, la main tendue, mais Émouchet l’arrêta.<br />
— Ne bougez pas, dit le chevalier.<br />
Séphrénia tendit alors le doigt et lança le sortilège.<br />
Le bourdonnement <strong>des</strong> ailes de l’insecte fut soudain accompagné d’une minuscule voix pépiante qui<br />
chantait joyeusement dans une langue inconnue <strong>des</strong> hommes. Émouchet regarda rapidement la fenêtre<br />
assombrie par la poussière. Le bourdon avait disparu et, à sa place, volait un minuscule personnage<br />
féminin sorti tout droit <strong>des</strong> légen<strong>des</strong> populaires. Ses cheveux blancs tombaient en cascade dans son dos<br />
entre les ailes diaphanes qui battaient rapidement. Son petit corps nu était parfaitement formé et son<br />
visage minuscule était d’une beauté à couper le souffle.<br />
— Voilà comment se représentent les bourdons, annonça calmement Séphrénia, et peut-être est-ce<br />
bien là ce qu’ils sont : insectes le jour et merveilles la nuit.<br />
Tandjin était retombé sur son lit minable, les yeux écarquillés, bouche bée.<br />
— Viens ici, petite sœur, dit Séphrénia d’une voix cajoleuse en tendant la main.<br />
<strong>La</strong> fée fit le tour de la pièce dans le bourdonnement de ses ailes transparentes et le chant clair de sa<br />
petite voix. Puis elle se posa délicatement sur la paume tendue de Séphrénia, ses ailes agitant toujours<br />
l’air. Séphrénia se retourna et tendit la main vers le médecin tout tremblant.<br />
— N’est-elle pas magnifique ? demanda-t-elle. Vous pouvez la tenir, si vous voulez… mais attention<br />
à son dard, ajouta-t-elle en désignant la petite rapière dans la main de la fée.<br />
Tandjin recula sur sa couche en dissimulant les mains derrière son dos.<br />
— Comment avez-vous fait ça ? demanda-t-il d’une voix tremblante.<br />
— Vous voulez dire que vous en êtes incapable ? Les accusations portées contre vous sont donc<br />
fausses. Il s’agit d’un enchantement très simple… rudimentaire, en fait.<br />
— Comme vous le constatez, docteur, nous n’avons aucun a priori contre la magie. Vous pouvez<br />
parler librement avec nous, sans crainte d’être dénoncé à Arasham ou l’un de ses fanatiques.<br />
Tandjin pinça fermement les lèvres en continuant de fixer la fée installée tranquillement dans la main<br />
de Séphrénia tandis que papillonnaient ses ailes.<br />
— Ne vous faites plus prier, docteur, dit Séphrénia. Dites-nous simplement comment vous avez guéri<br />
le frère du roi et nous partirons.<br />
Tandjin recula encore.