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Kalten haussa les épaules.<br />
— Il faut bien parler de quelque chose. (Il tendit la main sous son pourpoint d’azur, sortit un petit<br />
poignard courbe et commença à l’affiler sur la semelle de sa botte.)<br />
— Moi le premier, fit-il.<br />
— Quoi ?<br />
— Krager. C’est moi qui m’en occupe le premier.<br />
— Qui t’a donné cette idée ?<br />
— Tu es mon ami, Émouchet. Les amis laissent toujours leurs amis passer les premiers.<br />
— Et réciproquement, non ?<br />
Kalten secoua la tête.<br />
— Tu m’aimes plus que je ne t’aime. C’est bien naturel, d’ailleurs. Je suis beaucoup plus aimable que<br />
toi.<br />
Émouchet le scruta attentivement.<br />
— Voilà à quoi servent les amis, reprit Kalten d’un ton engageant. Ils nous signalent nos petits<br />
défauts.<br />
Ce n’était pas une rue particulièrement passante. Une heure s’écoula, puis une autre.<br />
— Peut-être qu’il s’est endormi, fit Kalten.<br />
— Pas lui. Il tient mieux la bouteille que tout un régiment. Il va arriver.<br />
Kalten plissa les yeux vers le ciel.<br />
— Il va pleuvoir, annonça-t-il.<br />
— <strong>La</strong> pluie, on connaît.<br />
Kalten tira sur le devant de son pourpoint voyant et roula de grands yeux.<br />
— Mais, Émousset, dit-il en zézayant outrageusement, tu sais bien comme le satin se tasse avec<br />
l’humidité.<br />
Émouchet s’efforça de garder son sang-froid. Une autre heure s’écoula.<br />
— Le soleil ne va pas tarder à se coucher, annonça Kalten. Peut-être qu’il a trouvé un autre marchand<br />
de vin.<br />
— Attendons encore un peu.<br />
<strong>La</strong> bousculade survint tout à coup. Huit ou dix costauds en vêtements grossiers plongèrent dans la<br />
ruelle au pas de charge, l’épée à la main. <strong>La</strong> rapière de Kalten jaillit de son étui en sifflant à l’instant<br />
même où Émouchet empoignait sa dague. L’homme qui menait la charge se recroquevilla et haleta quand<br />
Kalten le transperça. Émouchet évita son ami qui se redressait. Il para le coup de l’un <strong>des</strong> attaquants, puis<br />
lui enfouit son épée dans l’estomac. Il arracha son arme en élargissant la blessure de son mieux.<br />
— Ouvre cette boîte ! cria-t-il à Kalten tout en parant une autre attaque.<br />
<strong>La</strong> ruelle ne laissait passer que deux hommes de front avec sa dague trop courte, il pouvait encore les<br />
tenir en respect. Derrière lui, il entendit le craquement du bois quand Kalten fit éclater la boîte<br />
rectangulaire. Son ami se retrouva soudain à son côté, sabre à la main.<br />
— Je l’ai, maintenant. Prends ton épée.<br />
Émouchet fit volte-face et courut vers l’entrée de la ruelle. Il jeta sa dague, arracha son arme <strong>des</strong><br />
débris de la boîte et repartit vers son ami. Kalten avait pourfendu deux attaquants et faisait reculer les<br />
autres pas à pas. Mais il avait la main gauche appuyée sur le flanc et le sang coulait entre ses doigts.<br />
Émouchet le contourna en brandissant sa lourde épée <strong>des</strong> deux mains. Il fendit la tête d’un adversaire et<br />
trancha le bras d’un autre. Puis il plongea son épée dans le corps d’un troisième, l’envoyant valser contre<br />
le mur, une fontaine de sang jaillissant de sa bouche.<br />
Les autres attaquants prirent la fuite.<br />
Émouchet se retourna et vit Kalten retirer froidement son sabre de la poitrine de l’homme qu’il venait<br />
de rendre manchot.