La trilogie des Joya..

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Le voyage à travers le pas d’Arcie se déroula sans encombre. Ils voguaient vers le nord-est sous un ciel
clair et une brise d’arrière tandis que les autres vaisseaux de la flottille de Voren les encadraient d’un air
protecteur.
Vers midi, le troisième jour, Émouchet monta sur le pont pour rejoindre Séphrénia sur la proue, où
elle considérait les vagues scintillantes en compagnie de Flûte.
— Tu es toujours en colère contre moi ?
Elle poussa un soupir.
— Non. Sans doute plus.
Émouchet ne savait trop comment formuler son malaise, aussi biaisa-t-il.
— Séphrénia, ne t’a-t-il pas semblé qu’à Dabour tout s’est passé un peu trop simplement ? J’ai
l’impression mystérieuse de me faire conduire par le bout du nez.
— Que veux-tu dire, plus précisément ?
— Je sais que tu as manipulé Arasham, l’autre soir, mais as-tu agi contre Martel ?
— Non. Il l’aurait senti et il m’aurait résisté.
— C’est bien ce que je pensais. Qu’est-ce qui clochait donc chez lui ?
— Je ne suis pas sûre de te suivre.
— Il agissait presque comme un écolier. Nous connaissons tous deux Martel. Il n’a pas le cerveau
lent. Ce que j’ai fait était si transparent qu’il aurait dû comprendre aussitôt, mais il n’a pas bougé. Il est
resté là comme un demeuré et m’a laissé rabattre tout son stratagème devant ses yeux. C’était trop facile
et c’est cela qui m’inquiète.
— Il ne s’attendait pas vraiment à nous voir dans la tente d’Arasham, Émouchet. Peut-être la surprise
l’a-t-elle déstabilisé.
— Martel ne se laisse pas facilement surprendre.
Elle fronça les sourcils.
— Non, en effet. (Elle réfléchit.) Tu te rappelles ce que disait le seigneur Darellon avant notre départ
de Cimmura ?
— Non, pas exactement.
— Il nous a rapporté qu’Annias s’était comporté comme un simple d’esprit, lors de la présentation de
son affaire devant les rois élènes. Il avait annoncé la mort du comte Radun sans même procéder à une
vérification préalable.
— Oh, oui, je me rappelle, à présent. Et tu as dit que toute cette combine… la tentative d’assassinat
du comte attribuée aux pandions… pouvait fort bien avoir été conçue par un magicien styrique.
— Peut-être cela va-t-il encore un peu plus loin. Nous savons que Martel a eu des contacts avec un
Damork, ce qui signifie qu’Azash doit être là-dessous. Azash a toujours frayé avec les Styriques et ne
connaît guère les subtilités de l’esprit élène. Les Dieux de Styricum sont très directs et prévoient rarement
les événements imprévus… Or, le dessein des complots d’Arcie et de Rendor était d’écarter de Chyrellos
les chevaliers de l’Église durant l’élection. Annias s’est comporté comme un Styrique à Cimmura, et
Martel a fait de même dans la tente d’Arasham.
— Tu te contredis quelque peu, Séphrénia, protesta-t-il. D’abord, tu essaies de me dire que les
Styriques ont un esprit assez simple puis tu nous fournis une explication tellement compliquée que je
n’arrive pas à la suivre. Pourquoi ne pas dire tout bonnement ce que tu penses ?
— Azash a toujours dominé l’esprit de ses fidèles, et, pour la plupart, ils sont styriques. Si Annias et
Martel commencent à se comporter comme des Styriques, cela fait apparaître quelques possibilités fort
intéressantes, tu ne trouves pas ?