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ensuite.<br />
— Le plus gros avait <strong>des</strong> bandages sur la tête, rapporta Bérit, et le bras en écharpe.<br />
Kalten éclata de rire.<br />
— Il semblerait que tu l’aies touché un peu plus que nous le pensions, dit-il.<br />
<strong>La</strong> porte s’ouvrit et Kurik entra, portant la caisse en bois qui contenait les épées <strong>des</strong> chevaliers<br />
défunts.<br />
— Tu persistes, Vanion ? demanda Séphrénia.<br />
— Je ne vois aucun autre choix possible. Il faut que tu puisses te déplacer facilement. Je peux<br />
travailler assis… ou couché dans mon lit… ou même mort.<br />
Séphrénia n’eut qu’un bref mouvement <strong>des</strong> yeux. Elle vit Flûte qui hochait gravement la tête.<br />
Émouchet fut certain d’avoir été le seul à remarquer cet échange et en fut profondément troublé.<br />
— Prends les épées une à une, conseilla Séphrénia à Vanion. Leur poids est considérable et il te<br />
faudra un certain temps pour t’y habituer.<br />
— J’ai déjà porté <strong>des</strong> épées, Séphrénia.<br />
— Pas comme celles-ci ; d’ailleurs je ne parle pas de poids physique.<br />
Elle ouvrit la caisse et sortit l’épée de sire Parasim, le jeune chevalier tué par Adus en Arcie. Elle<br />
prit la lame et tendit gravement la garde à Vanion par-<strong>des</strong>sus son avant-bras.<br />
Il se leva et prit l’arme.<br />
— Reprends-moi si je commets la moindre erreur, dit-il avant de se mettre à chanter en styrique.<br />
Séphrénia éleva sa voix à l’unisson mais avec <strong>des</strong> intonations plus douces, moins assurées, et <strong>des</strong><br />
yeux remplis de doutes. L’enchantement atteignit son apogée et Vanion s’écroula soudain le visage gris.<br />
— Mon Dieu ! haleta-t-il en lâchant presque l’épée.<br />
— Ça va, mon petit ? demanda froidement Séphrénia en tendant la main pour le toucher.<br />
— <strong>La</strong>isse-moi reprendre mon souffle. Comment peux-tu supporter ceci, Séphrénia ?<br />
— Nous faisons ce qui doit être fait. Je me sens déjà mieux, Vanion. Il n’est pas utile que tu reprennes<br />
les deux autres.<br />
— Si. Nous n’allons pas tarder à perdre un autre chevalier et son fantôme t’apportera son épée. Je<br />
veux veiller à ce que tu aies les mains libres quand il arrivera. (Il se redressa).) Parfait, dit-il d’un ton<br />
sévère. Donne-moi la suivante.<br />
Ce soir-là, Émouchet s’aperçut qu’il était inhabituellement fatigué. Les rigueurs <strong>des</strong> événements de<br />
Rendor semblaient s’abattre sur lui d’un seul coup mais, malgré sa lassitude, il s’agitait en tout sens sur<br />
son lit étroit. <strong>La</strong> lune était pleine et projetait sur son visage sa lumière pâle à travers la mince fenêtre. Il<br />
marmotta un juron amer et se cacha sous la couverture.<br />
Peut-être sommeilla-t-il. Il crut flotter pendant <strong>des</strong> heures ; mais tous ses efforts ne lui permirent pas<br />
de franchir cette porte molle. Il rejeta sa couverture et s’assit sur son lit.<br />
C’était le printemps, ou presque, et l’hiver avait semblé interminable. Mais lui, qu’avait-il accompli,<br />
finalement ? Les mois s’étaient écoulés et avec eux la vie d’Ehlana. Était-il vraiment plus près de la<br />
libérer de sa tombe de cristal ? Dans la lumière froide de la lune, il se retrouva aux prises avec une<br />
pensée glaciale. N’était-il pas possible, en fin de compte, que tous les complots d’Annias et de Martel<br />
n’eussent qu’un seul but : occuper le temps qui restait à Ehlana en l’obligeant à déployer une activité<br />
absurde ? Il avait rebondi de crise en crise depuis son retour à Cimmura. Peut-être les complots de ses<br />
ennemis n’étaient-ils pas <strong>des</strong>tinés à réussir. Peut-être leur seul <strong>des</strong>sein était-il de le retarder. Il avait la<br />
désagréable impression qu’on le manipulait et que le manipulateur se délectait de sa colère et de sa<br />
frustration. Il se rallongea pour réfléchir.<br />
Un froid soudain le réveilla, un froid qui paraissait pénétrer la moelle de ses os et, avant même<br />
d’ouvrir les yeux, il sut qu’il n’était pas seul.<br />
Un personnage cuirassé se tenait au pied de son lit, le clair de lune se reflétant sur l’acier noir