La trilogie des Joya..

— Parfait, dit Émouchet en se dirigeant vers la porte, avec Kalten et Talen sur les talons. Nous ne
devrions pas tarder à être de retour.
Ils se rendirent à pied en ville. Madel était située sur un estuaire et l’odeur de la mer était nette,
portée par une forte brise. Les rues devenaient de plus en plus étroites et tortueuses en approchant du
port.
— Elle est loin, cette auberge ? demanda Kalten.
— Pas très, assura Talen.
Émouchet s’arrêta.
— Est-ce que tu as eu le temps de fouiner un peu après l’entrée de Krager ?
— Non. J’allais le faire, mais Bérit m’a attrapé avant.
— Pourquoi ne le ferais-tu pas maintenant ? Si Kalten et moi nous avançons par la porte principale et
que Krager est en train de regarder par là, il sera sorti par la porte de derrière avant que nous soyons
entrés. Essaie un peu de trouver cette porte de derrière.
— Très bien, dit Talen, les yeux étincelant d’excitation, avant de filer dans la rue.
— Un brave petit, commenta Kalten, malgré ses mauvaises habitudes. (Il fronça les sourcils.) Mais
comment sais-tu que cette auberge possède une porte de derrière ?
— Toutes les auberges en ont une, Kalten… en cas d’incendie, à tout le moins.
— Je n’y avais pas pensé.
Quand Talen revint, il courait à toutes jambes. Une dizaine d’hommes le pourchassaient ; le premier,
qui émettait des borborygmes inintelligibles, était Adus.
— Attention ! cria Talen en passant à toute allure.
Émouchet et Kalten sortirent leurs épées de leurs capes et s’écartèrent légèrement pour affronter la
charge. Les hommes qui suivaient Adus étaient pauvrement vêtus et portaient toute une panoplie d’armes,
des épées rouillées, des haches et des masses.
— Tuez-les ! beugla Adus en ralentissant un peu et en faisant signe à ses hommes de continuer.
Le combat fut bref. Ces truands des quais n’étaient pas à la hauteur des deux chevaliers bien
entraînés. Quatre d’entre eux furent à terre avant que les autres se rendent compte qu’ils avaient commis
une énorme gaffe. Deux autres s’écroulèrent sur les pavés ensanglantés avant que le restant pût faire
demi-tour. Émouchet bondit alors par-dessus les corps affalés et se précipita sur Adus. La brute para le
premier coup du chevalier, puis saisit son épée à deux mains pour assaillir Émouchet. Celui-ci para
facilement ses coups et lui infligea des coupures et des ecchymoses douloureuses malgré sa cotte de
mailles. Au bout d’un moment, Adus s’enfuit en courant ventre à terre et en se tenant le flanc d’une main
sanglante.
— Pourquoi ne l’as-tu pas suivi ? demanda Kalten en haletant, son épée tachée de sang à la main.
— Parce qu’Adus court plus vite que moi, répondit Émouchet avec un haussement d’épaules. Je le
sais depuis des années.
Talen revint en soufflant. Il considéra avec admiration les corps sanglants affalés sur les pavés.
— Bravo, messeigneurs, les félicita-t-il.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? lui demanda Émouchet.
— Je suis passé devant l’auberge. Après, je suis allé derrière. Le grand costaud qui vient de s’enfuir
se cachait dans la ruelle avec les autres. Il a voulu m’attraper, mais je l’ai évité. Alors, je me suis enfui.
— Bien joué, dit Kalten.
Émouchet rengaina son épée.
— Filons d’ici, dit-il.
— Pourquoi ne pas suivre Adus ? demanda Kalten.
— Parce qu’ils nous tendent des pièges. Martel utilise Krager comme appât pour nous attirer. C’est
probablement pour ça que nous les retrouvons si facilement.