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à affecter tes facultés.<br />
— Je ne supporte pas la bêtise ni la crasse, Émouchet, et les partisans d’Arasham vénèrent avec<br />
dévotion l’ignorance et la crasse.<br />
— Par contre, tu commences à avoir le don de la rhétorique.<br />
— Le mépris est un assaisonnement puissant pour les paroles, admit Voren. Je ne peux dire<br />
ouvertement ce que je pense en Rendor et j’ai tout le temps voulu pour polir ma prose. (Son visage se fit<br />
grave.) Sois très prudent à Dabour. Arasham a deux douzaines de disciples… et il connaît même certains<br />
d’entre eux. Ce sont eux qui contrôlent la ville et ils sont tous aussi dingues que lui.<br />
— À ce point ?<br />
— Pis encore, probablement.<br />
— Tu as toujours été très rassurant, Voren.<br />
— C’est un de mes défauts. J’essaie toujours de voir le bon côté de la vie. Se passe-t-il quelque<br />
chose à Cippria que je devrais savoir ?<br />
— Peut-être un objet d’enquête pour toi, dit Émouchet en cueillant un peu d’herbe. Des étrangers<br />
veulent faire croire que les paysans <strong>des</strong> royaumes élènes du nord vont se révolter contre l’Église au nom<br />
du mouvement éshandiste.<br />
— J’ai entendu quelques rumeurs. Mais elles ne se sont pas encore répandues à Djiroch.<br />
— Question de temps. C’est assez bien organisé.<br />
— Et l’origine de tout ça ?<br />
— Martel, et nous savons pour qui il travaille. L’idée, c’est d’inciter les citadins à rejoindre<br />
Arasham dans un soulèvement contre l’Église en Rendor au moment où la Hiérocratie se réunira à<br />
Chyrellos pour élire un nouvel archiprélat. Les chevaliers de l’Église sont censés venir ici éteindre le<br />
feu ; Annias et ses partisans auraient alors les mains libres pour l’élection. Nous avons averti les ordres<br />
combattants et ils devraient prendre <strong>des</strong> mesures idoines. (Émouchet se leva.) Quand reviendra ton<br />
domestique ? Peut-être vaudrait-il mieux que nous soyons repartis à son retour. Il n’est peut-être pas<br />
malin, mais je connais les Rendors et ils ont tendance à bavarder.<br />
— Je crois qu’il vous reste encore un moment. L’allure la plus rapide de Djintal est une flânerie<br />
nonchalante. Vous avez le temps de manger un morceau et je vous donnerai <strong>des</strong> provisions fraîches.<br />
— Y a-t-il un endroit sûr à Dabour ? demanda Séphrénia.<br />
— Aucun, Séphrénia… Tu te rappelles Perraine, Émouchet ?<br />
— Le maigre ? Très silencieux ?<br />
— En personne. Il est à Dabour et se fait passer pour un maquignon. Il a adopté le nom de Mirrelek et<br />
réside près du parc à bestiaux. Les gens du désert ont besoin de lui… à moins qu’ils ne veuillent manger<br />
toutes leurs vaches… aussi est-il assez libre de circuler en ville. Il vous hébergera et vous évitera <strong>des</strong><br />
ennuis. (Voren eut un sourire un peu rusé.) En parlant d’ennuis, Émouchet, je te conseille de filer avant<br />
que Lillias découvre que tu es revenu.<br />
— Est-elle toujours malheureuse ? Je pensais qu’elle aurait fini par trouver quelqu’un.<br />
— Elle l’a certainement fait… avec plusieurs, d’ailleurs… mais tu connais Lillias. Elle a la rancune<br />
tenace.<br />
— Je lui ai laissé tous mes droits sur la boutique, dit Émouchet, sur la défensive. Elle devrait être à<br />
l’aise, à présent, si elle surveille un peu son affaire.<br />
— Aux dernières nouvelles, tout va bien, mais ce qui compte, c’est que tu lui aies dit adieu… et lui<br />
aies laissé tes biens… par un billet. Tu ne lui as pas donné l’occasion de hurler, pleurer et menacer de se<br />
tuer.<br />
— C’était bien ce que je voulais.<br />
— C’est de la cruauté, mon ami. Lillias se repaît de drames, quand tu as filé en pleine nuit, tu l’as<br />
privée d’une magnifique occasion de théâtraliser.