La trilogie des Joya..

— Mais qu’est-ce qu’elle fabrique ? s’exclama Kurik.
— Je n’en ai pas la moindre idée. Va chercher Séphrénia… en vitesse !
Flûte chevaucha tout droit vers le peloton de soldats de l’Église stationné à l’autre bout du quai. Ils
examinaient attentivement chaque marin qui débarquait, mais ils ne prêtèrent aucune attention à Flûte ni au
cheval. Elle circula impudemment devant eux, puis se retourna. Elle semblait regarder Émouchet et,
jouant toujours de son instrument, elle leva une petite main et lui fit signe.
Il la contemplait fixement.
Elle eut une petite grimace, puis s’avança délibérément sur les soldats. Ils s’écartèrent d’un air absent
sans la regarder.
— Qu’est-ce qui se passe, là-bas ? demanda Émouchet comme Séphrénia et Kurik le rejoignaient
derrière le rouf.
— Je ne sais pas vraiment, répondit Séphrénia en fronçant les sourcils.
— Pourquoi les soldats ne font-ils pas attention à elle ? demanda Kurik comme Faran franchissait une
nouvelle fois la rangée de soldats.
— Je ne pense pas qu’ils la voient.
— Mais elle est juste sous leur nez.
— Cela ne semble pas avoir d’importance. (Sur son visage se peignit une expression
d’émerveillement.) J’en ai entendu parler murmura-t-elle. Je croyais que ce n’était qu’une vieille légende
populaire, mais peut-être avais-je tort. (Elle regarda Émouchet.) S’est-elle tournée vers le bateau depuis
qu’elle est sur le quai ?
— Elle m’a fait une espèce de signe pour que je la suive, répondit-il.
— Tu en es sûr ?
— C’est l’impression que j’ai eue.
Elle prit longuement son souffle.
— Eh bien, il n’y a qu’un seul moyen de savoir ce qu’il en est, je suppose.
Avant qu’Émouchet ait pu l’arrêter, elle se dressa et sortit de l’abri du rouf.
— Séphrénia ! lui lança-t-il, mais elle traversa le pont comme si elle ne l’avait pas entendu, atteignit
le bastingage et s’arrêta.
— Elle devrait leur crever les yeux, dit Kurik d’une voix étranglée.
— Je le vois bien.
— Les soldats doivent avoir son signalement. Est-ce qu’elle a perdu l’esprit ?
— J’en doute. Regarde.
Émouchet indiqua les soldats sur l’appontement. Bien que Séphrénia fût devant leurs yeux, ils ne
semblaient même pas la regarder.
Flûte, quant à elle, l’aperçut et exécuta son petit geste impérieux.
Séphrénia poussa un soupir et regarda Émouchet.
— Attendez ici.
— Où ?
— Ici… à bord du navire.
Elle se retourna, s’engagea sur la passerelle et descendit sur le quai.
— Ça marche, dit froidement Émouchet en se levant et en tirant son épée. (Il compta rapidement les
soldats sur l’appontement.) Ils ne sont pas si nombreux, dit-il à Kurik. Si nous pouvons les prendre par
surprise, nous avons une chance.
— Réduite, Émouchet. Attendons un instant et voyons ce qui se passe.
Séphrénia s’avança sur le quai et s’arrêta juste devant les soldats.
Ils l’ignorèrent.
Elle leur adressa la parole.