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assis à une table près de la fenêtre et bavardaient devant <strong>des</strong> pichets pleins à ras bord. Ils levèrent les<br />
yeux quand le marquis conduisit Émouchet à leur table.<br />
— Monseigneur, dit l’un d’eux pour saluer respectueusement Lycien.<br />
— Messieurs, voici maître Cluff, une de mes relations. Il m’a demandé de le présenter.<br />
Ils examinèrent tous Émouchet.<br />
— J’ai un petit problème, messieurs, leur apprit Émouchet. Puis-je me joindre à vous ?<br />
— Asseyez-vous, l’invita l’un <strong>des</strong> capitaines, un homme d’apparence robuste aux cheveux bouclés<br />
méchés de fils d’argent.<br />
— A présent, je vous laisse, messieurs, dit Lycien. J’ai une affaire à traiter.<br />
Il salua et sortit de la taverne.<br />
— Il veut probablement trouver un moyen de relever les droits de rivage, dit l’un <strong>des</strong> capitaines en<br />
grimaçant.<br />
L’homme aux cheveux bouclés prit la parole.<br />
— Je m’appelle Sorgi. Quel est donc votre problème, maître Cluff ?<br />
Émouchet toussa un peu, comme s’il était embarrassé.<br />
— Eh bien, cela commença il y a quelques mois. J’avais entendu parler d’une dame qui vit non loin<br />
d’ici. Son père est riche et très âgé. L’un de mes problèmes a toujours été de concilier mes goûts<br />
dispendieux et ma bourse vide. Il m’était venu à l’esprit qu’une femme fortunée serait une solution.<br />
— C’est logique, nota le capitaine Sorgi. C’est à peu près l’unique avantage que je puisse trouver au<br />
mariage.<br />
— Je ne saurais mieux dire. Je lui écrivis donc une lettre où je me prévalais d’amis communs et je fus<br />
un peu surpris quand elle me répondit chaleureusement. Nos lettres se firent de plus en plus amicales et<br />
elle finit par m’inviter à lui rendre visite. Je fis <strong>des</strong> dettes auprès de mon tailleur et partis pour la<br />
demeure de son père, en possession d’une humeur excellente et de magnifiques habits neufs.<br />
— Il me semble que tout se déroulait selon vos plans, maître Cluff. Où est votre problème ?<br />
— J’y arrive, capitaine. Cette dame est d’âge moyen et très fortunée. Si elle avait été d’apparence au<br />
moins soutenable, elle aurait trouvé preneur depuis <strong>des</strong> années : je ne me faisais aucune illusion sur ce<br />
point. Mais je ne m’attendais pas à une telle horreur. (Il eut un frémissement.) Messieurs, je ne puis même<br />
vous la décrire. Quelles que fussent ses richesses, elles ne pouvaient mériter de se réveiller tous les<br />
matins à côté de ça ! Nous nous entretînmes brièvement… à propos du temps, je crois… puis je présentai<br />
mes excuses et m’en fus. J’avais vérifié qu’elle n’a pas de frères : personne ne viendrait me chercher<br />
querelle pour mes vilaines manières. Mais j’avais oublié qu’elle a tout un bataillon de cousins et cela fait<br />
<strong>des</strong> semaines qu’ils me filent.<br />
— Ils ne veulent quand même pas vous tuer ? demanda Sorgi.<br />
— Non, répondit Émouchet d’une voix angoissée. Ils veulent me traîner devant elle pour me forcer à<br />
l’épouser.<br />
Les capitaines s’esclaffèrent en tapant sur la table.<br />
— Je crois que vous avez été trop malin, maître Cluff, dit l’un d’eux en essuyant ses yeux.<br />
Émouchet acquiesça lugubrement de la tête.<br />
— Vous avez sans doute raison, admit-il.<br />
— Vous auriez dû trouver un moyen de lui jeter un coup d’œil avant d’envoyer la première lettre,<br />
ajouta Sorgi.<br />
— Je sais bien. Mais maintenant, il est temps que je quitte le pays pour un moment, jusqu’à ce que les<br />
cousins se lassent. J’ai un neveu qui vit à Cippria, en Rendor, et qui se débrouille bien. Je suis sûr de<br />
pouvoir lui faire accepter ma présence en attendant de pouvoir remettre les pieds ici. Se pourrait-il que<br />
l’un de vous, messieurs, lève bientôt l’ancre pour cette <strong>des</strong>tination ? J’aimerais m’embarquer avec deux<br />
domestiques. J’irais bien jusqu’aux quais de Madel, mais j’ai l’impression que les cousins les