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j’en parlerai dans mon rapport.<br />
Émouchet se leva.<br />
— Je suis encore votre obligé, seigneur abbé. Vous semblez toujours être là où il faut.<br />
— Nous servons le même maître, Émouchet. (L’abbé eut un large sourire.) D’ailleurs, vous me<br />
plaisez assez. Les pandions n’agissent pas toujours comme nous, mais vous obtenez <strong>des</strong> résultats et c’est<br />
ce qui compte, n’est-ce pas ?<br />
— Nous pouvons l’espérer.<br />
— Soyez prudent dans le désert, mon ami, et bonne chance.<br />
— Merci, monseigneur.<br />
Ils <strong>des</strong>cendaient dans la cour centrale du monastère quand les cloches commencèrent à sonner les<br />
matines. Kurik attacha le coffre de Séphrénia au paquetage de la mule et ils se mirent en selle. Ils<br />
sortirent dans un concert de cloches.<br />
Émouchet était d’humeur pensive quand ils atteignirent la route poussiéreuse du bord de mer et prirent<br />
à l’ouest en direction de Djiroch.<br />
— Qu’y a-t-il, Émouchet ? demanda Séphrénia.<br />
— Il y avait dix ans que ces cloches m’appelaient. Mystérieusement, je savais que je reviendrais un<br />
jour au monastère. (Il se redressa sur sa selle.) C’est un endroit parfait. Je regrette de le quitter, mais…<br />
Il haussa les épaules et laissa mourir sa phrase.<br />
Le soleil matinal se reflétait avec éclat sur le désert de roche, de sable et de gravier à la gauche de la<br />
route. Du côté droit, un talus abrupt <strong>des</strong>cendait vers une plage d’un blanc éblouissant, derrière laquelle<br />
s’étendaient les eaux profon<strong>des</strong> de la mer Intérieure. Au bout d’une heure, il faisait chaud. Encore une<br />
demi-heure, et la température devint étouffante.<br />
— Ils n’ont jamais d’été, ici ? demanda Kurik en épongeant son visage dégoulinant.<br />
— Mais c’est l’hiver, rappela Émouchet.<br />
— À quoi ressemble l’été ?<br />
— Rien de bon. Il faut voyager de nuit.<br />
— Djiroch est à quelle distance ?<br />
— Environ cinq cents lieues.<br />
— Au moins trois semaines de voyage.<br />
— Je le crains.<br />
— Nous aurions dû passer par la mer… trombes ou pas trombes.<br />
— Non, Kurik, s’insurgea Séphrénia. Nul ne pourrait aider Ehlana si nous reposions tous au fond de<br />
l’océan.<br />
— Cette créature qui nous poursuit ne peut pas utiliser la magie pour nous repérer ?<br />
— Elle en semble incapable. Quand elle cherchait Émouchet il y a dix ans, elle a dû interroger<br />
plusieurs personnes. Elle ne pouvait pas flairer sa trace.<br />
Ils se levaient tôt le matin, avant même la disparition <strong>des</strong> étoiles, et poussaient leurs chevaux au<br />
maximum avant midi. Puis ils se reposaient à l’ombre réduite de la tente que leur avait imposée l’abbé,<br />
tandis que leurs montures paissaient l’herbe rabougrie. Ils repartaient au déclin du soleil et chevauchaient<br />
jusqu’à la nuit tombée. Parfois, ils trouvaient une source en plein désert, inévitablement entourée d’une<br />
végétation luxuriante accompagnée de son ombre. Quelquefois, ils s’y attardaient une journée pour laisser<br />
leurs chevaux se reposer et rassembler leurs forces pour affronter à nouveau le soleil brutal.<br />
Ce fut près de l’une de ces sources, où l’eau cristalline glissait sur une pente rocheuse pour se lover<br />
dans un étang d’azur entouré de palmiers, que l’ombre d’un chevalier pandion en armure noire leur rendit<br />
visite. Émouchet, vêtu d’un simple pagne, venait d’émerger de l’étang quand il avisa le cavalier qui<br />
approchait à l’ouest. Ayant le soleil dans le dos, il ne projetait aucune ombre et l’on voyait nettement les<br />
collines brûlées par le soleil à travers l’homme et le cheval. Émouchet capta les relents de charnier et